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Fonds de relance, que faire pour tirer le meilleur parti de l'argent européen

Une communication de Marco Buti (chef de cabinet de l'eurocommissaire Gentiloni) et de Marcello Messori pour la Luiss School of European Political Economy fait le point sur les problèmes et le potentiel que présente le Fonds de relance pour l'Italie, sur l'urgence de sortir de la confusion et de accélérer tout ce qui est nécessaire pour surmonter les difficultés et utiliser au mieux les ressources européennes – Trois des objectifs fondamentaux de la relance ne doivent pas échouer avec un plan de réformes et d'investissements assorti de priorités précises et claires et d'une gouvernance adéquate.

Fonds de relance, que faire pour tirer le meilleur parti de l'argent européen

En espérant que les investissements dans la science et la recherche des entreprises pharmaceutiques puissent rapidement vaincre le virus responsable de la situation sanitaire tragique qui affecte le monde entier, il est temps de concentrer la plus grande attention des gouvernements et des classes dirigeantes sur ce qu'il faudra faire pour relancer les économies qui ont enregistré une baisse significative dans tous les pays, même si l'intensité diffère d'un État à l'autre.

L'Italie fait partie des pays qui ont enregistré une très forte baisse de leur PIB et qui s'attend à perdre environ 2020 à 9 % de son PIB pour l'ensemble de 10. Et cela sans pouvoir encore pleinement évaluer les dégâts de la deuxième vague de la pandémie qui pourrait être beaucoup plus lourde qu'on ne l'imagine aujourd'hui, surtout si les conditions de confinement devaient être atteintes en pleine période de Noël. 

L'Europe a fait un pas de géant avec les accords de juillet vers une plus grande responsabilité commune pour la reprise et la croissance de chaque pays. Mais maintenant il appartient aux gouvernements nationaux de mettre en place des plans de relance et de réforme qu'ils sont cohérents avec les objectifs indiqués par Bruxelles et efficaces par rapport à la nécessité d'augmenter le taux de croissance potentiel, en particulier dans les pays qui, au cours des dernières décennies, n'ont pas réussi à suivre le rythme des pays plus avancés. Et parmi ceux-ci, l'Italie, avec la Grèce, ferme la marche. 

Il y a beaucoup de choses à faire et des délais serrés. Pour aider les autorités politiques à identifier les bonnes procédures à suivre, et en même temps donner à l'opinion publique un « cadre de contrôle » utile pour suivre les choix gouvernementaux, deux universitaires, Marco Buti et Marcello Messori ont publié sur le site Web de la LUISS School of European Political Economy un article détaillé dans lequel ils se concentrent problèmes et potentiel des fonds mis à disposition par l'UE avec Next Generation EU et en particulier avec la facilité pour la reprise et la résilience (RRF) qui représente environ 90 % du total de ce programme. 

De manière générale, Buti (qui, en plus d'enseigner à LUISS, est chef de cabinet de l'eurocommissaire Gentiloni à Bruxelles) et Messori soulignent deux points : l'Italie n'est pas particulièrement en retard pour présenter ses plans à Bruxelles, mais l'impression est qu'il agit de manière quelque peu confuse et non transparente. Deuxièmement, il est désormais clair que le succès de l'ensemble du programme européen dépendra del'utilisation que l'Italie fera de cet argent et par le succès qui sera enregistré dans l'atteinte de l'objectif d'augmenter notre taux de croissance. Bref, le pas en avant vers la création d'un véritable ministère européen de l'économie, qui voit encore tant d'ennemis alignés, dépendra beaucoup de ce que notre pays sera capable de faire dans les 5-6 prochaines années. 

Le document de LUISS ne cache pas les difficultés. LELe plan italien doit se fixer trois objectifs qui sont, au moins en partie, en contradiction les unes avec les autres : soutenir la croissance, assurer le développement social dans l'équité, maintenir une gestion équilibrée de la dette publique. Ce dernier est un aspect qui a été largement délaissé ces derniers mois par une grande partie du Gouvernement et par l'opinion publique, y compris qualifiée. 

Le plan doit pouvoir sélectionner une série de projets capables d'éliminer d'abord les goulots d'étranglement qui ont empêché notre pays de croître à un rythme suffisant au cours des vingt dernières années. En même temps et de manière synergique, il faut commencer un plan de réforme et d'investissement qui opère sur des priorités très précises. Le tout doit être lié par une gouvernance adéquate basée sur une salle de contrôle centrale dotée des pouvoirs adéquats et qui peut sélectionner les projets, assurer le démarrage des activités et suivre leur exécution. Pour faire tout cela, il faudrait au moins lancer un processus de réforme de l'administration publique conçu pour des étapes successives et la réforme judiciaire. Il convient de noter - et c'est une remarque que personne n'a faite jusqu'à présent - que une partie des fonds européens peuvent être des "substituts" aux fonds nationaux, qui offre à notre gouvernement la possibilité de disposer de ressources libérées des engagements antérieurs pour les utiliser adéquatement pour soutenir des projets de développement. 

Mais le Gouvernement ne semble pas avoir la lucidité et la détermination pour saisir cette opportunité de relancer notre économie. Il est évident que la plupart des ministres sont engagés dans l'endiguement de la pandémie, mais il n'en demeure pas moins que la méthode choisie par le Premier ministre Conte pour le Plan de relance, de agir dans l'ombre pour ne pas susciter envies et appétits dans le monde politique bigarré, elle a l'inconvénient de ne pas susciter dans la masse des citoyens cohésion et confiance dans un projet de renouveau du pays et de sa relance sur la scène internationale.   

Les mesures d'urgence sont toujours critiquées, comme inévitables, alors que personne ne peut regarder au-delà de son nez. Le risque est de de ne pas utiliser l'argent de l'UE, ou de l'utiliser pour des projets qui auront peu d'impact sur la compétitivité et donc sur la croissance. Le reste des réformes nécessaires signalées à plusieurs reprises par Bruxelles n'est plus évoquée. En effet, le risque est que dans de nombreux domaines, du marché du travail, aux retraites, en passant par la présence de l'État dans la gestion des entreprises, on aille exactement à l'opposé de ce qu'avaient espéré les autorités et les investisseurs européens. Une fois de plus, la mauvaise politique risque de gâcher les opportunités offertes au pays, condamnant ses citoyens à une triste stagnation. 

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