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Le Pen, même s'il gagne, ne peut pas sortir de l'euro

Extrait de « LE ROUGE ET LE NOIR » d'ALESSANDRO FUGNOLI, statégiste du Kairos – Même dans le cas improbable où Le Pen monterait à l'Elysée, elle n'aurait pas la force parlementaire pour sortir la France de l'euro – Malenchon rencontrerait des obstacles similaires – Marchés en fête si Macron gagne.

Le Pen, même s'il gagne, ne peut pas sortir de l'euro

En France, la bande dessinée est une affaire très sérieuse. Ils sont bien dessinés, ont souvent des histoires intéressantes et sont lus par un large public de tous âges. A l'automne 2015 Le président, un album de politique futuriste qui suit au jour le jour le début de la présidence Le Pen, a dominé les charts pendant quelques semaines et s'est vendu à 150 XNUMX exemplaires. Le deuxième album de la série a également eu un bon succès, Totalitaire, et le troisième, La Vague, dont la couverture dépeint Le Pen qui vient d'être réélu pour un second mandat avec Poutine et Trump derrière elle.

Le scénario de La Présidente est l'œuvre de François Durpaire, qui a obtenu son doctorat à Sciences Po (la mythique faculté de sciences politiques de la Sorbonne) et qui, en tant que militant multiculturaliste, est à la aux antipodes idéologiques du Front National. Quoique donc farouche opposant, Durpaire avait l'intelligence politique de imaginer possible Le Pen à l'Elysée il y a déjà deux ans, alors qu'aucun analyste ne songeait à prendre l'hypothèse en considération, et à tenter d'entrer dans la tête de Marine Le Pen (et non dans celle d'une de ses commodes caricatures) pour décrire ses contradictions, ses difficultés et ses choix douloureux.

En 2015, Durpaire prévoyait un second tour cette année entre Hollande et Le Pen. Même son pessimisme quant à la résilience des classes dirigeantes françaises n'était donc pas en mesure de prévoir une détérioration aussi rapide de leur capacité d'hégémonie.
Aujourd'hui, non seulement Hollande a complètement quitté la scène, mais les deux piliers historiques du républicanisme français, gaullistes et socialistes, sont réduits à l'ombre d'eux-mêmes et s'apprêtent à unir leurs forces résiduelles pour s'opposer à la montée de la droite et de la gauche lépénistes. maximaliste.

En imaginant Le Pen à l'Élysée Dupraire n'assume ni plus ni moins que la mise en œuvre du programme de la Front national. Pas de coup de main autoritaire, étranger à la psychologie du personnage, mais mise en place rapide des points relatifs à laimmigration et tous les "sortie de l'euro, rendue possible par une étroite majorité parlementaire née de la division du groupe gaulliste. La France plonge rapidement dans la récession et le gouvernement est contraint d'adopter des mesures d'austérité dans un contexte de plus en plus dramatique (un point intéressant car il contraste avec les intentions expansives de la plate-forme électorale).

L'intention de Durpaire est didactique, c'est ce qui arriverait si le programme était appliqué à la lettre. En réalité, les chances que cela se produise sont très minces. Voyons pourquoi.

Rappelons tout d'abord que la France n'est pas une république présidentielle comme les États-Unis, mais semi-présidentielle. En Amérique Trump il est président et chef du gouvernement, en France l'Elysée doit cohabiter, si nécessaire, avec des gouvernements d'affiliations politiques différentes. Ces dernières semaines, nous avons vu toutes les limites des vastes pouvoirs de la Maison Blanche, qui doit faire face à un Congrès peu concluant et à une justice et une bureaucratie hostiles. En France, ce serait encore pire. Le Pen se retrouverait face à un gouvernement socialiste, présidé par Cazeneuve, qui a déjà déclaré qu'il ne démissionnerait pas et qu'il ne pouvait qu'être découragé par le Parlement et seulement fin juin, après les élections politiques.

Les élections de juin, quant à elles, verraient le Front national toujours minoritaire à l'Assemblée nationale et quasi inexistant au Sénat, qui n'est d'ailleurs renouvelé qu'à moitié. Le Pen devrait donc offrir à un gaulliste la possibilité de former un gouvernement.
Pour espérer ne pas être découragé par le Parlement, le Premier ministre ne doit pas parier sur une scission du bloc gaulliste mais doit être authentiquement centriste et non pro-lépéniste. Un tel gouvernement centriste pourrait accorder quelque chose à l'Elysée sur l'immigration et les retraites, mais il n'accepterait jamais de collaborer à la sortie de l'euro.

Pour sortir de l'euro, Le Pen devrait alors parcourir un chemin long et fatigant. Il devrait convoquer un référendum constitutionnel pour changer la loi électorale, recommencer à voter, gagner, obtenir une majorité parlementaire suffisante pour pouvoir convoquer un référendum sur l'euro et le gagner. En plus de ces conditions objectives, Le Pen en a posé une subjective. Avant de convoquer le référendum sur l'euro, a-t-il déclaré, il attendrait les élections italiennes de 2018 et évaluerait s'il fallait procéder ou non en fonction de leur résultat. Le Pen n'a rien ajouté d'autre, mais il est facile d'en déduire que si l'on ne l'emporte pas en Italie coalition anti-euro, alors la France laissera tomber l'affaire d'une manière ou d'une autre.

Le Pen à l'Elysée sera donc un président plus que divisé par deux qui produira un mal de ventre permanent et débilitant pour la France et l'Europe sans toutefois les amener au gouffre à moins que des secours n'arrivent d'Italie. Empêcher à tout prix l'union de la France et de l'Italie sera donc la préoccupation majeure de l'Allemagne, qui tentera en tout cas de maintenir le projet européen sur pied en attendant des temps meilleurs.

La victoire de Mélenchon rencontreront des obstacles très similaires à ceux que nous avons vus pour Le Pen. Pour avoir une majorité au parlement, le Premier ministre devra être un socialiste modéré et pro-euro. Les propres positions de Mélenchon se sont assouplies ces derniers jours. Or la sortie de l'euro est une mesure extrême à envisager seulement après l'éventuel échec d'une refondation radicale de l'union monétaire. En pratique, Mélenchon se taillera une place en politique étrangère, on le verra souvent avec Maduro et avec Raúl Castro, mais tout s'arrêtera là.

Paradoxalement, comme l'écrit Politico (site résolument pro-système), le plus grand risque pour la France est que tout reste tel qu'il est aujourd'hui, qu'un Macron inexpérimenté ou un Fillon toujours sur la défensive n'ont la force ni de proposer aux Français les réformes demandées par l'Allemagne ni de renégocier les termes de l'Union avec l'Allemagne. Une grande coalition entre socialistes et gaullistes plairait aux marchés, mais à terme elle renforcerait les forces antisystème, toujours endémiques en France. Une récession mondiale, encore plus modeste que celle de 2008, rendrait irrésistible l'envie d'essayer vraiment quelque chose de nouveau chez une grande partie de l'électorat.

Pour l'instant donc, nous continuons à penser que l'heure n'est pas encore mûre pour Le Pen et Mélenchon, que Macron montera à l'Elysée et que les marchés pousseront un soupir de soulagement qui ramènera le dollar à 1.10 et l'Europe marchés boursiers vers de nouveaux sommets de la période. Il reste encore quelques heures pour acheter des appels.

        

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