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Nominations publiques : engagements glauques et feuilles de vigne mais la transparence ne se voit pas

Selon l'ancien commissaire de la Consob, Filippo Cavazzuti, la récente motion approuvée à la majorité du Sénat sur les critères des prochaines nominations publiques est un pêle-mêle de règles générales substantiellement inapplicables et de feuilles de vigne inutiles mais il n'y a même pas l'ombre d'une transparence - Le paradoxe des curricula et des contrôles ex post.

Nominations publiques : engagements glauques et feuilles de vigne mais la transparence ne se voit pas

On a du mal à en croire ses yeux, mais dans la longue (presque quatre pages denses) "Motion sur la nomination des administrateurs des sociétés détenues par l'Etat" votée au Sénat le 20 juin 2013, le mot transparence n'apparaît qu'une seule fois et non jusque dans les engagements pris envers le gouvernement, mais uniquement dans la considération que « le processus de réforme entamé ces dernières années, bien qu'il ait conduit à une rationalisation de la gestion des entreprises contrôlées par l'État, doit être complété par de nouvelles interventions visant à accroître la transparence et la qualité des procédures de désignation des membres des organes d'administration des mêmes sociétés, renforçant également les exigences d'intégrité et de professionnalisme des administrateurs ». Puis, comme on dit, en langage parlementaire, on est "passé à un autre" sujet.

Je laisse au lecteur intéressé le soin de parcourir à la fois la longue liste d'interdits, de souhaits et de suggestions formulés pour les nominations d'administrateurs, et la reconnaissance méticuleuse de ce que signifient les exigences d'intégrité et de professionnalisme des administrateurs. Dans l'ensemble, le résultat est un ensemble de critères de nomination apparemment "resserrés", mais en réalité très obscurs, constitués de recommandations, de procédures, de pistes et d'actes qui ne peuvent être ramenés à des principes de transparence et de responsabilité dans la nomination des administrateurs publics. En résumé, la voie identifiée est si pleine de règles générales impossibles à appliquer et à vérifier, telles que celles qui exigent l'évaluation de "l'autorité" et de la "réputation sur les marchés de référence" qui font de ces critères un pur genre littéraire qui ne peut entraver toute nomination ou changement de nom.

A cet égard, je note qu'un parcours du combattant est mis en place qui semble avoir été fait exprès pour ne pas entraver la reconduction de certains à la tête des grandes entreprises d'Etat. Il vaudrait bien mieux le dire explicitement en assumant une responsabilité politique vis-à-vis de l'opinion publique. Mais les lacunes majeures se trouvent dans la partie de la motion qui engage le gouvernement à adopter de nombreux devoirs et mesures (mais il n'y a aucune mention de principes), en tout cas jamais visant à garantir la transparence des nominations.

Entre lumières et ombres, tant l'engagement pour « l'activation d'une procédure comparative des exigences professionnelles » que celui de « publier les postes expirants sur les différents sites internet des différents ministères se portent bien. Mais cela ne suffit pas à garantir la transparence des nominations. Par exemple, comment juger de l'autorité ou de la réputation évoquée ci-dessus dans les procédures comparatives ?

Des actes modestes, en revanche, apporteraient une certaine transparence à la procédure de rendez-vous selon le principe bien connu que "le soleil est le meilleur remède contre de nombreuses maladies". Par exemple : après la publication en ligne du poste à pourvoir, ceux qui entendent pourvoir ces postes (il est donc supposé qu'à la suite d'un processus d'auto-évaluation, ils bénéficient des exigences de professionnalisme et d'intégrité) doivent envoyer leur cursus qui est publié en ligne sur un site en ligne spécial, mais à condition que cette publication ait lieu "avec l'autorisation préalable des parties intéressées". L'inverse devrait s'appliquer, ce qui signifie que ceux qui n'ont pas l'intention d'autoriser la publication de leur CV ne peuvent être pris en considération pour la nomination. On objecte que la confidentialité naturelle (??) de ceux qui occupent déjà des postes pertinents (mais il se pourrait aussi qu'ils ne se soient pas promus dans le processus d'auto-évaluation en s'appuyant sur des sponsors externes) serait un obstacle à la soumission de leur CV en ligne. Mais celui qui aspire à administrer les affaires publiques devrait plutôt être fier de se montrer capable d'un tel engagement envers tous.

Mais en parcourant le texte de la Motion, ce qui commence plutôt à aller mal (sinon très mal) c'est la partie où le Gouvernement s'engage à "soumettre la désignation faite par les autorités gouvernementales compétentes à l'évaluation d'un Comité de Garantie... afin de vérifier le respect des critères et procédures prévus pour les nominations ». En effet, j'observe que la soumission a posteriori (après coup) au comité de garantie des nominations réduit cet organe à une mission de vérification exclusivement formelle qui n'a rien à voir avec la transparence des nominations contenues dans les considérants, mais pas dans les engagements au gouvernement.
Si la Commission des garants doit être (et pas seulement dans le rôle de « feuille de vigne ») elle doit être chargée d'évaluer ex ante les exigences d'intégrité et de professionnalisme d'une liste de candidats (par exemple n'excédant pas trois) si minutieusement prévue (et facilement contournable par les administrations proposantes) pour être soumis au jugement du "propriétaire" (qui porte la charge politique de la nomination) puis pour vérifier a posteriori que les procédures ont été respectées. 

Permettre d'abord la « turbidité » puis tenter un sauvetage impossible de l'honneur perdu des partis politiques avec l'apposition de la « feuille de vigne » sur leur honte me semble être le seul résultat de la Motion approuvée par le Sénat. Mieux vaut recommencer. Réessaye Sam !

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