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Le développement de l'Italie est avant tout un problème culturel, mais la nouveauté est le quatrième capitalisme

Pour reprendre la voie du développement, l'Italie et sa classe dirigeante doivent comprendre que la vraie nouveauté est le quatrième capitalisme des entreprises moyennes et c'est précisément à partir de là et des districts industriels les plus dynamiques qu'il faut repartir, en dépassant les préjugés sur le la productivité et la compétitivité de l'industrie manufacturière et ne pas gaspiller les incitations

Le développement de l'Italie est avant tout un problème culturel, mais la nouveauté est le quatrième capitalisme

Le nôtre est un pays très étrange. Après 60 ans de débats, il y a encore ceux qui considèrent que la présence de tant de petites entreprises sur la péninsule est néfaste. Et jusqu'à se plaindre de la difficulté de faire des affaires en ne manquant pas d'exhiber des classements internationaux dont l'incohérence devrait être démontrée par le simple fait que les registres des chambres de commerce indiquaient plus de 6 millions d'entreprises fin mars dernier ! Avec de nouvelles inscriptions (naissances) de plus de 115 2013 unités en XNUMX (données Unioncamere). Encore récemment, dans de précieuses émissions télévisées à large audience, il arrivait d'entendre que nos problèmes (d'ailleurs "historiques") provenaient des PME et de l'absence de croissance de leur productivité. Mais comment est-il possible pour des entreprises non compétitives de prendre en charge « toute » la balance commerciale de notre industrie ?

J'ai eu récemment l'occasion de présenter mes réflexions dans deux conférences, la première à Modène et la seconde au Sénat de la République. Le lecteur trouvera ci-dessous les deux présentations auxquelles je n'ajouterai que quelques points forts :

1) L'industrie voit cinq grands protagonistes en Europe : par ordre de volumes, l'Allemagne, l'Italie, la France, le Royaume-Uni et l'Espagne. Chacun d'eux produit chaque année des biens d'une valeur de plus de 100 milliards d'euros ; ce sont les pays qui sont utiles dans les comparaisons, puisqu'il est inutile de se référer aux "petits" (par exemple les bons Scandinaves). Cela dit, comme le montre la première diapositive projetée au Sénat, il est très clair qu'en Europe les "façons" de produire diffèrent surtout par la taille des entreprises. En d'autres termes, il est possible d'être "gros" dans la fabrication en travaillant avec de grandes entreprises (voir la Suisse, qui compte pourtant peu, et l'Allemagne, où il y a d'ailleurs un grand Mittelstand qui ressemble beaucoup à notre Quatrième Capitalisme), ou avec de petites entreprises (Italie et Espagne); La France est à mi-chemin.

2) Pourquoi les petites entreprises sont-elles compétitives en Italie (étant donné qu'elles s'obstinent à ne pas mourir depuis plus d'un demi-siècle) ? C'est l'effet quartier, ma chérie, dirait-on en commentant les financiers de Wall Street ! La concentration de la production à certains endroits et la division du travail en phases connectées dans la chaîne d'approvisionnement permettent des économies «externes à l'entreprise», mais «internes au lieu», qui minimisent les coûts exactement comme cela s'est produit dans l'ancienne usine automobile d'Henry Ford; mais aujourd'hui l'entreprise fordiste elle-même a décliné après avoir appris de Toyota à s'intégrer avec des fournisseurs pour réduire les besoins financiers. Mais nos quartiers ont aussi les contextes sociaux qui font des « lieux » d'authentiques laboratoires d'innovation où s'inventent de nouveaux produits et de nouvelles manières de les produire. Pensez à la région de Modène pour les moteurs, la Riviera del Brenta et la région d'Ascoli-Macerata pour les chaussures, la région de Vérone où survit l'entreprise du fils de Dante Alighieri bien améliorée, produisant l'Amarone, l'un des meilleurs vins nationaux (voir Rapport 2014 du 'Observatoire national des districts italiens).

3) Est-il vrai que l'Italie va mal parce qu'elle est entrée dans la zone euro ? Pour y répondre, les statistiques et surtout les comparaisons internationales doivent être maniées avec précaution. L'Italie a longtemps été pénalisée par des techniques de calcul du PIB inappropriées et en tout cas inégales par rapport à d'autres pays (voir mon essai sur les études d'aménagement européen de décembre dernier pour plus de détails). La meilleure façon d'établir si nous faisons mieux ou moins bien est de nous voir « par rapport » aux autres principaux concurrents (c'est-à-dire l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l'Espagne). Dans les deux rapports ci-joints, il y a une diapositive très indicative. Dans les premières années de l'euro, notre fabrication a pris du poids et il ne pouvait en être autrement. Dans un marché international plus fluide, plus étendu et plus accessible grâce aux progrès des communications, nos "petites" entreprises (ou plutôt, nos systèmes de quartier et du quatrième capitalisme) ont récolté d'indéniables succès. Nous avons atteint le poids maximum en 2009, juste la première année après la grande crise financière. Que s'est-il passé après ? La crise de la dette souveraine a ralenti le développement de nombreux pays, avec comme circonstance aggravante des politiques restrictives (erronées) imposées par les commissaires européens. L'argent a augmenté, mais surtout le crédit est devenu beaucoup plus rare. Les banques ont rationné les clients sans se rendre compte qu'ils tuaient leur véritable source de revenus, c'est-à-dire les entreprises ; elles tentent aujourd'hui de se racheter en demandant à leurs actionnaires des ressources pour reconstituer la part du capital détériorée par les mêmes difficultés de clients dont elles sont souvent responsables. Crise, licenciements, faillites, de nombreuses demandes de remboursement consécutives dictées par un système bancaire (tous alignés, y compris la banque centrale) incapable d'interpréter les forces et les faiblesses de notre système de production nous ont poussés toujours plus bas. Nous avons atteint le point bas au troisième trimestre 2013 et aujourd'hui nous sommes toujours au fond du ravin, malgré les "lumières" à l'extérieur du tunnel que certains gouvernements antérieurs à celui de Matteo Renzi prétendaient entrevoir avec une certaine certitude.

4) Est-il vrai que nous sommes moins productifs que d'autres pays ? Les comparaisons doivent être faites sur une base homogène. Dans le quatrième capitalisme (qui, avec les districts, couvre environ les trois quarts de notre production manufacturière), ce n'est certainement pas le cas, comme le démontrent les analyses du département de recherche Mediobanca. Non seulement nous avons des niveaux de productivité comparables (évidemment en mesurant la production « en valeur »), mais nous bénéficions d'un avantage en termes de coût du travail. Nos marges (c'est-à-dire notre compétitivité) sont encore plus élevées que celles de l'Allemagne. Et il ne pouvait en être autrement s'il est vrai qu'en 2013 les régions du district ont battu le record d'excédent du commerce extérieur. Mais que nous manque-t-il pour battre l'Allemagne ? Notre Quatrième Capitalisme affronte avec succès leur Mittelstand. L'inconvénient réside entièrement dans les grandes entreprises : le vrai défi pour le gouvernement actuel est de les récupérer (puisqu'elles ont largement délocalisé) et d'attirer les investissements des multinationales étrangères. Mais d'abord, en référence à nos "grands" entrepreneurs, une profonde conversion culturelle s'impose : la clé du succès d'un pays avancé, comme le nôtre doit l'être, réside dans une compétitivité basée sur les revenus et non sur les coûts. C'est le principe à la base des entreprises du Quatrième Capitalisme (je me réfère à la vérification économétrique effectuée avec Daniela Venanzi qui sera dans le livre "Les nouveaux quartiers industriels" édité pour le Moulin par Marco Bellandi et Annalisa Caloffi).

5) Est-il vrai que l'Italie est victime d'un ajustement tardif à la mondialisation ? Pour y répondre de manière appropriée, il suffit de regarder la dynamique du chiffre d'affaires de notre industrie : celui vers le marché intérieur diminue ou stagne et celui vers l'étranger est en croissance. Par conséquent, contrairement à ce que beaucoup disent, c'est une grande chance que nos systèmes de petites entreprises aient pu "s'adapter" au mieux. Et le Quatrième Capitalisme n'est pas un phénomène de "quelques" entreprises qui réussissent : c'est la vraie nouveauté de ces vingt dernières années, une évolution précise des territoires de quartier dans le contexte même de la mondialisation. Mais de nombreux problèmes subsistent. Keynes nous a montré qu'une économie peut rester en équilibre même dans des conditions de sous-emploi (c'est notre cas). Il est donc nécessaire de le "pousser" avec des politiques appropriées si nous voulons le relancer pour donner du travail aux nombreux chômeurs que nous avons. Avec Lino Mastromarino, nous avons élaboré une proposition méthodologique de politique active centrée sur un plan stratégique (voir Rapport au Sénat et l'essai qui sera publié peu de temps après le Rapport 2014 sur les districts "Idées, expériences et projets pour renforcer ou reconstruire la compétitivité du territoires). Je tiens à préciser qu'une méthodologie doit être établie : s'il doit y avoir relance, le « push » doit s'appliquer aux territoires qui restent prometteurs, mais qui nécessitent une restructuration et une reconversion. Il est inutile de disperser les incitations, par exemple par un crédit d'impôt délivré à qui que ce soit. La règle doit être celle du « smart entrepreneur » : ne pas gaspiller les ressources rares, se concentrer sur les activités les plus performantes, vérifier soigneusement les résultats ex-post (une pratique que les administrations publiques ignorent). Pour mener des politiques actives, il faut des outils capables d'accompagner (et d'attirer) les entreprises et d'influencer les territoires. Dans cette perspective, le rôle des chambres de commerce doit être renforcé et requalifié.

Je termine par le titre de cette réflexion : la nôtre est essentiellement un problème de culture. Il ne reste plus qu'à espérer que la décadence de notre classe dirigeante s'arrêtera enfin.

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