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L'Allemagne est-elle trop compétitive ?

REF RECHERCHE CIRCLE – La Commission européenne a décidé de mener une étude approfondie sur les causes du fort excédent allemand. Dépassant (en moyenne sur la période de trois ans) 6% du PIB, cet excédent du compte courant allemand pourrait représenter un "déséquilibre macroéconomique" qu'il convient de corriger.

L'Allemagne est-elle trop compétitive ?

L'entrée en vigueur du nouveau "Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernante dans l'Union économique et monétaire » donne une base juridique plus solide aux règlements précédents (les 6 qui portent le nom de pack de six, en vigueur depuis le 13 décembre 2011 ; et les 2 suivants qui portent le nom de deux paquets, et sont en vigueur depuis le 30 mai de l'année dernière). Toutes ces règles (une centaine de pages, avec une infinité de nouvelles obligations !) que la Commission avait proposées en novembre 2011, visent à renforcer et étendre le « Pacte de stabilité et de croissance » originel (Amsterdam, 1997).

Pour l'instant, ils représentent la principale réaction à la crise de la zone euro et mesurent le diagnostic qui prévaut à Bruxelles sur ses causes : l'échec à prévenir les déséquilibres macroéconomiques dus avant tout (mais pas seulement) à des politiques budgétaires non compatibles avec les contraintes posées par la priorité accordée à la stabilité monétaire.

Pour éviter que cela ne se reproduise, nous avons donc de nouvelles procédures de surveillance et d'évaluation préalable par la Commission (deux paquets) de la politique économique des pays membres et de leurs problèmes (pack de six).

Pour comprendre ce qui se passe cette semaine et à l'avenir, rappelons que le 15 octobre, chaque pays a présenté sa propre "loi de stabilité 2014" à la Commission. Le mois suivant, le vendredi 15 novembre, la Commission publie ses évaluations. Ce qui sera discuté par les ministres de l'Eurogroupe le 22 novembre. L'objectif est que le processus d'approbation - national et communautaire - avec les éventuelles corrections, se termine au 31 décembre.

L'importance des conclusions de la Commission est différente selon que le pays respecte ou non la contrainte budgétaire de 3 % (et l'Italie en fait partie) ; ou est sous procédure de déficit excessif : dans ce dernier cas, les recommandations de la Commission sont contraignantes.

Et qu'est-ce que l'Allemagne a à voir là-dedans ?

Le portrait de ses finances publiques n'est pas préoccupant. Mais un autre chapitre s'ouvre ici : en application du règlement 1176/2011 (l'avant-dernier du pack de six) concernant la "prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques", la Commission a préparé (et publié le 14 février 2012) un "Rapport sur le mécanisme d'alerte» qui identifie une série d'indicateurs et des seuils significatifs associés pour donner une alerte précoce de futurs déséquilibres macroéconomiques à prévenir et, si nécessaire, à corriger. Ce tableau montre – parmi les nombreux indicateurs proposés – le seuil +6/-4% du PIB rapporté à la balance des paiements courants. Et c'est cet indicateur qui a déclenché – comme l'indiquait la Commission européenne le 15 novembre dernier – la nécessité d'une analyse approfondie concernant l'Allemagne ; conformément aux articles 3 et 4 du règlement 1176/2011.

En conclusion, aucun jugement n'a été formulé sur l'économie ou la politique économique de l'Allemagne, mais seulement l'activation d'un "mécanisme d'alerte".


Comment fonctionne l'économie allemande

Cependant, de nombreux commentaires ont déjà affirmé que la Commission partageait la préoccupation américaine d'une Allemagne qui aurait un excédent courant gênant, c'est-à-dire qui nuit à l'économie des autres pays, en raison d'un excès de sa propre épargne (la référence à la surabondance d'économies il y a quelques années pour expliquer les difficultés de l'économie américaine). Mais tout cela est-il vrai ?

A première vue, les statistiques présentées par les balances des paiements servent à mesurer l'excès de dépenses ou d'épargne ; et donc les impulsions (plus ou moins durables) données à l'économie mondiale par chaque pays. Mais si on regarde comment l'économie mondiale évolue, ce qui est encore vrai au niveau national l'est moins si on raisonne en termes de filières industrielles (les chaînes d'approvisionnement) et la fabrication appartenant à des multinationales.

Ce sont tous de nouveaux aspects qui commencent seulement à être étudiés en profondeur.

Il convient de considérer deux études récentes sur le nouveau rôle de l'Allemagne : la première (septembre 2013) est de la BRI et traite de "Déséquilibres mondiaux et euro : Chine et Allemagne”; le second (octobre 2013) est du Fonds Monétaire International et définit "La chaîne d'approvisionnement Allemagne-Europe centrale ».

Dans la première étude, la différence en termes tant réels que financiers entre la Chine et l'Allemagne est bien soulignée. La possibilité d'une poursuite de l'UE contre l'Allemagne est rappelée, même s'il est précisé que les analyses du FMI n'aboutissent pas à des politiques allemandes "incorrectes", et que depuis quelques années l'excédent croissant de l'Allemagne n'est plus vis-à-vis de la zone euro .

L'étude du FMI mesure en revanche l'intégration croissante entre l'industrie allemande et celle de ses pays voisins (Pologne, Hongrie ; République tchèque, Slovaquie) : leur industrie est complémentaire de l'allemande et représente son approvisionnement en composants, destinés plus pour servir le monde (en tant qu'exportations allemandes) que la demande intérieure allemande. En d'autres termes, les économies de ces pays souffriraient si l'Allemagne cherchait à remplacer la croissance actuelle de ses exportations par une demande intérieure.


Pièces jointes : l'Allemagne est-elle trop compétitive ?

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