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Euro oui ou non ? Le ralentissement de l'économie sera le juge de paix

Ni les politiques monétaires ni les politiques budgétaires n'auront la flexibilité dont elles disposaient par le passé pour pouvoir stabiliser le prochain ralentissement économique. Les Etats européens sont donc amenés à pousser des réformes pour convaincre les marchés. Les investisseurs devront repenser la gestion des risques. Cela explique la précipitation de Macron en France. C'est l'Italie……

Euro oui ou non ? Le ralentissement de l'économie sera le juge de paix

L'arrivée au pouvoir en Italie d'une coalition entre le 5SM et la Ligue a alarmé les marchés financiers en mai. Après la fuite de la nouvelle selon laquelle les scénarios configurés par la coalition incluaient également un plan de sortie de l'euro, une vague de rebondissements politiques a commencé qui a provoqué l'affaiblissement de l'euro, des marchés boursiers européens et surtout des marchés obligataires des soi- l'Europe dite « périphérique ». Bref, le spectre d'un pays de l'UE quittant la zone euro est revenu hanter les investisseurs.

Premièrement, il faut souligner que la paranoïa sur cette question est pleinement justifiée. En effet, que ce soit la Grèce ou l'Italie, la sortie de n'importe quel pays de la zone euro pourrait créer un précédent mortel. Si l'expérience montre qu'un pays peut effectivement sortir de la zone euro, la plausibilité d'un tel scénario devra être quantifiée pour chaque pays. À ce stade, un euro n'aurait plus jamais exactement la même valeur quel que soit le pays dans lequel il est déposé. Tout investisseur serait incité à conserver son capital en euros dans les pays où il serait le plus sûr, en évitant les États membres les plus fragiles. Ce serait la fin de la fongibilité de l'euro et donc de l'euro lui-même. Les enjeux sont donc beaucoup plus importants.

L'Italie en 2018 présente-t-elle un risque plausible de sortie de la zone euro ?

Il est techniquement tout à fait possible pour un pays souverain de revenir à sa propre monnaie nationale. Cependant, au moins deux conditions doivent être remplies pour ce faire. La première est que la sortie de l'euro reflète la volonté du pays. Au lieu de cela, tous les sondages d'opinion montrent que la majorité de la population italienne souhaite aujourd'hui conserver l'euro. Il est vrai que rien n'empêche un gouvernement démocratiquement élu de prendre des décisions contraires à la volonté du peuple. Mais cette perspective serait pour le moins paradoxale de la part d'un exécutif qui déclare explicitement vouloir refléter la volonté des électeurs. Deuxièmement, l'opération doit être faite par surprise. En effet, si le gouvernement devait annoncer son intention à l'avance, cela conduirait évidemment à une fuite des capitaux, ce qui entraînerait l'échec immédiat du processus avant même qu'il ne soit lancé. La conjonction de ces deux facteurs signifie que, pour le gouvernement italien, se prononcer sur "l'Italexit" reviendrait à trahir explicitement et délibérément le mandat qui lui a été confié par les électeurs. Peu plausible.

Est-ce à dire que l'Italie va vite rentrer dans le rang ?

Et ainsi les marchés financiers pourront-ils reprendre leur bonne trajectoire soutenus par la convergence du coût de la dette entre les pays de la zone euro, sanctionnée à l'été 2012 sous l'égide rassurante de Mario Draghi ?

Très peu probable, et pour deux raisons.

Tout d'abord, s'il est vrai que le gouvernement de Giuseppe Conte ne peut pas annoncer un plan de sortie de la monnaie unique, il est également vrai qu'il voudra être l'artisan d'un changement radical de politique économique : le dogme de l'austérité budgétaire sera contesté . Il est peu probable que les marchés financiers accueillent favorablement le glissement délibéré vers des déficits budgétaires plus importants. Mais ce risque ne doit pas constituer une menace immédiate, d'abord parce que l'Italie dispose d'une certaine marge de manœuvre qu'elle peut utiliser sans mettre en péril les finances publiques (le déficit budgétaire italien est aujourd'hui inférieur à celui de la France et le compte courant de l'Italie est positif ). On peut aussi supposer que l'obsession de Matteo Salvini pour la question des migrants offre à Bruxelles, ou au duo franco-allemand, un levier de négociation à exploiter pour obtenir un programme économique acceptable pour les marchés en échange d'une aide sur ce front.

Le second motif d'inquiétude est plus profond et ne concerne pas que l'Italie.

Les réformes structurelles dans les pays européens et les réformes institutionnelles au niveau de l'Union sont toujours à la traîne. Cette carence n'a pas encore été mise en évidence car la Banque centrale européenne a toujours apporté un soutien actif et le cycle économique est favorable. En revanche, le retard des réformes pourrait se manifester dans quelques mois, lorsque l'économie ralentira, d'autant plus si la décélération coïncide avec la réduction progressive du soutien de la BCE. En effet, en l'absence de réformes capables de permettre la réduction des taux d'endettement, les marchés n'offriront plus aux pays périphériques les plus fragiles le luxe de pouvoir recourir à l'arme budgétaire sans que cela n'entraîne une hausse des taux d'intérêt. Et l'Union européenne ne disposera plus d'un budget européen suffisant pour combler les carences des États les plus vulnérables. En d'autres termes, les pays les plus faibles seront les plus pénalisés et ainsi la magnifique dynamique de convergence entre les pays de la zone euro – dont les marchés actions, obligataires et de crédit ont bénéficié au cours des six dernières années – sera fortement remise en cause. A cet égard, une telle perspective justifie à elle seule le sentiment d'urgence qu'Emmanuel Macron tente d'insuffler dans la mise en œuvre de son programme de réformes en France. En résumé : ni les politiques monétaires ni les politiques budgétaires n'auront la flexibilité dont elles disposaient par le passé pour pouvoir stabiliser le prochain ralentissement économique. Cette nouvelle phase du cycle économique obligera les investisseurs à abandonner les réflexes acquis depuis 2012 et à repenser radicalement leur gestion des risques de marché.

°°° L'auteur est Directeur Général de Carmignac

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