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Les avocats et la compétitivité du marché

La libéralisation de la profession d'avocat doit s'inscrire dans un processus de réforme plus large - Les honoraires : en Grande-Bretagne, en France et en Espagne ils n'existent pas mais une ouverture à la discussion est requise de part et d'autre - Sur la concurrence interprofessionnelle, il faut distinguer activités méritantes exclusives et celles pouvant être ouvertes au marché.

Les avocats et la compétitivité du marché

Il existe différents angles sous lesquels la relation entre les professions juridiques et la compétitivité peut être envisagée.

En premier lieu, l'influence de la fonctionnalité du système juridique, compris comme un système de règles et de mécanismes d'application, sur le fonctionnement de l'économie. Ici, nous savons que notre pays est loin derrière : tant au niveau de la qualité des règles que du système d'application. Même si la cause n'en est pas directement imputable au plaidoyer, mais à des confusions normatives (exemple : multiplication des rituels ; confusion sur la compétence - concurrence entre quatre fonctions civiles différentes) et des insuffisances administratives (de la répartition des fonctions judiciaires au manque de personnel et ressources), il peut jouer un rôle important de pression et de stimulation.

Deuxièmement, la capacité du système juridique à se représenter comme une source de nouvelles opportunités pour ceux qui travaillent dans le secteur et pour le système économique. Je pense notamment, dans un monde intégré, à la capacité de se présenter comme un forum privilégié pour le règlement de litiges particulièrement complexes (par exemple, dans mon secteur, la juridiction anglaise comme for des litiges relatifs aux dommages antitrust). La langue s'introduit, la rapidité des procédures, mais aussi la propension à saisir les opportunités.

Enfin, la capacité du système juridique lui-même à contribuer à la croissance et à la compétitivité du système économique, en fournissant aux entreprises et aux ménages des services de qualité de manière efficace.

Je voudrais m'attarder en particulier sur le dernier aspect, qui remet naturellement en cause la structure de la profession et les perspectives de réforme : sachant toutefois qu'à mon avis cette structure n'est pas indifférente également en ce qui concerne les autres aspects, et notamment les choix que la profession d'avocat, en tant que représentation professionnelle, propose à l'opinion publique, au législateur et au gouvernement.

En premier lieu, je voudrais observer qu'en parlant de structure et de réforme de la profession d'avocat, il est indispensable de sortir d'une vision strictement nationale : la question de l'adaptation de la réglementation des professions d'avocat s'est posée ces dernières décennies dans toutes pays et est la conséquence de l'évolution et de la complexité croissante des enjeux qui ont accompagné le développement des relations économiques et sociales.

Divers facteurs contribuent à déterminer une évolution continue de notre profession : la croissance exponentielle de ce que l'on peut appeler le « trafic légal » ; l'émergence de nouvelles problématiques, du droit économique aux droits de la personne ; le besoin de spécialisation qui en découle; l'émergence de nouveaux types d'offre, également représentés par de nouvelles professions économico-juridiques ; la possibilité de réorganiser les modes d'offre de services devenus standardisés et répétitifs ; l'articulation de la demande, qui dans divers domaines et secteurs se caractérise par des sujets tels que les entreprises capables d'évaluer les professionnels et leurs propositions ; l'intégration et l'expansion du marché au-delà des espaces nationaux.

Dans ce contexte plus complexe, les règles qui ont traditionnellement régi la profession peuvent-elles rester inchangées ou ne doivent-elles pas plutôt être mises à jour ? Et notamment, dans ce cadre, dans quelle mesure les règles qui empêchent le fonctionnement du marché et notamment la concurrence entre professionnels d'une même profession et entre différents types de professions peuvent-elles encore être considérées comme d'actualité et dans quelle mesure doivent-elles être revues dans le à la lumière du changement de contexte ?

Peut-être est-il bon de prendre du recul et de se demander pourquoi ces limites ont été mises en place.

En premier lieu, pour une vision de la profession centrée sur les finalités d'intérêt général qu'elle poursuit, notamment sur sa centralité pour assurer le fonctionnement de la justice au sens de l'art. 24 de la Constitution, qui justifie le traitement particulier des activités professionnelles judiciaires et qui suggérerait que cette activité est soustraite aux pressions concurrentielles qui pourraient limiter l'indépendance de jugement et la qualité dans la prestation de l'avocat : une vision qui est à la base de l'affirmation que la profession d'avocat n'est pas une activité commerciale et qu'elle ne peut être configurée comme une activité économique.

C'est une approche qui trouve certes ses fondements dans les origines de l'histoire de l'activité médico-légale, mais qui doit être réinterprétée à la lumière de l'évolution du contexte juridique et économique.

En ce qui concerne le cadre juridique, les dispositions du droit communautaire sont particulièrement pertinentes, qui ont un impact sur au moins deux aspects.

D'un premier point de vue, en relation avec la liberté de prestation de services et d'établissement, puisqu'elle consacre le droit de ceux qui sont autorisés à exercer une activité dans un pays membre de l'exercer et de s'établir dans tous les pays de l'Union, et même, pour notre profession, elle établit des disciplines communes. Et ce principe remet également en cause nombre des contraintes de fonctionnement du marché qui peuvent caractériser le système juridique national (affaire Cipolla et tarifs maximaux), dans la mesure où elles affectent ces libertés.

D'un deuxième point de vue puisque selon le droit communautaire les services juridiques, bien que visant un intérêt public, représentent toujours une activité économique et à ce titre sont soumis aux règles qui sont établies pour les sujets économiques, les entreprises. Les exceptions à ces règles doivent être justifiées par les objectifs d'intérêt général poursuivis et proportionnées à ceux-ci.

En ce qui concerne le contexte économique, l'approche traditionnelle repose sur la crainte que la concurrence puisse se faire au détriment de la qualité. Cependant, le marché évolue, les types d'objets changent, les modes contractuels et juridiques de fourniture de services changent : des règles qui pourraient sembler adéquates dans le cadre d'une entreprise agricole ou artisanale, et avec des études à caractère familial, ne peuvent plus être donc dans une société beaucoup plus articulée, avec des sujets capables d'obtenir des informations et avec une vaste articulation de l'offre de services juridiques par des sujets qui peuvent créer leur propre réputation. Dans ce contexte, la concurrence peut constituer un stimulant puissant pour la sélection et l'amélioration de la qualité : favoriser la spécialisation et la comparaison, suggérer de nouvelles façons d'offrir le service.

Ces considérations ne s'appliquent pas seulement à la profession juridique, mais à toutes les professions. En particulier, le rôle crucial des activités judiciaires a fait qu'au cours des dernières décennies, dans presque tous les pays, il y a eu de nombreuses discussions sur les règles régissant le fonctionnement de l'activité médico-légale et les limites qu'elles imposent au fonctionnement du marché concurrentiel.

Cet examen portait sur diverses questions : l'étendue du rôle à attribuer aux organismes d'autorégulation, l'exclusivité ; les critères d'accès à la profession ; les taux; autres contraintes de concurrence, notamment publicitaires ; les formes d'organisation de la profession, notamment la forme sociale. Je voudrais m'attarder sur certaines de ces questions ci-dessous, puis conclure par quelques observations sur le processus en cours dans notre pays. Ces aspects ne peuvent être considérés individuellement mais comme des éléments d'un processus global de réforme :

1. Autorégulation  – Premièrement, dans de nombreuses juridictions, le rôle même de l'autoréglementation est en discussion, la forme traditionnelle sous laquelle les ordres et associations professionnels reconnus dans toutes les juridictions fixent les règles d'exercice de la profession et veillent à leur respect. D'une manière générale, il est reconnu que les mécanismes d'autorégulation présentent de nombreux avantages : connaissance du sujet et de ses problèmes, avantages de l'information, souplesse d'intervention et réduction des coûts.

Mais il y a aussi des inconvénients : en particulier, le risque que la réglementation acquière un caractère essentiellement protecteur et puisse se développer sans tenir suffisamment compte de la protection des tiers, tant de manière générale, à travers par exemple l'établissement de règles de conduite qui rigidifient le marché , comme les interdictions de publicité ou les modalités de détermination des tarifs, tant dans leur spécificité, notamment dans leur rôle de protection que de garants de la déontologie : y a-t-il une tendance des tenants de la « corporation » à protéger ses membres ?

C'est une considération qui, par exemple en Grande-Bretagne, a conduit à une réforme des mécanismes de garantie qui a conduit à une grande transparence et à la présence de tiers dans les mécanismes de contrôle, tiers que l'on retrouve traditionnellement dans d'autres juridictions avec une plus grande structuration traditionnelle. En Italie, des propositions en ce sens ont été faites par l'Autorité de la concurrence dès les années 90, tant sur les organes de contrôle que sur les modalités d'accès.

J'ai l'impression qu'il y a une corrélation entre la sensibilité de la profession aux besoins d'autres intérêts et sa capacité à revendiquer le besoin de normes élevées de qualité exercées de manière responsable vis-à-vis du client.

2. Concours exclusifs et interprofessionnels – L'une des propositions contenues dans l'enquête d'information menée en 1997 par l'AGCM était la révision de l'exclusivité professionnelle, sous deux angles : examiner quelles activités étaient effectivement d'intérêt public, et donc méritant d'être réservées aux professions réglementées (réserve), et donc dans quelle mesure il convient de les soustraire à la concurrence (exclusive) interprofessionnelle.

Je pense que cette proposition va dans la bonne direction.

Il ne fait guère de doute que l'aide juridictionnelle requiert une compétence exclusive. Et pourtant, la question peut et s'est posée par rapport au type de jugement, à la taille de l'affaire, aux types de procédures Juridictions sans obligation de défense légale (justice de paix jusqu'à l'euro ; média-conciliation).

Mais la question de l'exclusivité concerne surtout la concurrence interprofessionnelle : en attendant dans le domaine du conseil. Le développement de professions juridiques spécifiques, des experts-comptables aux conseillers du travail, en passant par les conseillers en sécurité sociale, ainsi que l'admissibilité de la consultance à titre occasionnel même par des personnes qualifiées n'appartenant pas à des professions protégées, sanctionnées par la Cassation, apparaît comme une solution plus raisonnable solution que la stricte réserve qu'une grande partie des avocats entend introduire.

Mais la concurrence interprofessionnelle et l'examen de la pratique privée peuvent également être à l'avantage de la défense des intérêts. On peut se demander si le besoin de protection, par exemple la sécurité du trafic légal, dans le cas des notaires, ne peut être atténué pour certains types de transactions, ou si le développement de technologies informatiques sophistiquées ne remet pas en cause l'exclusivité des consultants de travail. Cela pourrait ouvrir des espaces de compétition interprofessionnelle.

3. Les contraintes de la concurrence intra-professionnelle : tarifs et publicité – La discussion sur l'autorégulation comprend également celle sur les tarifs et la publicité, sur laquelle la polémique s'est centrée dans la dernière période. A cet égard, puisqu'au moins pour les tarifs la question fera l'objet de discussions dans les prochaines semaines, peut-être convient-il de fixer quelques points.

Tout d'abord, les tarifs. La fixation de tarifs maximaux ou minimaux n'est pas une caractéristique nécessaire de l'activité professionnelle. Il n'y a pas de tarif en France, en Grande-Bretagne ou en Espagne.

Deuxièmement, la fixation des tarifs relève du champ d'application du droit de la libre concurrence : compte tenu de la définition communautaire des professions libérales en tant qu'activité économique et des ordres en tant qu'associations professionnelles, la fixation des conditions économiques, y compris les activités tarifaires et d'information, par les ordres , représentant des associations professionnelles, constitue une infraction aux règles de concurrence. Même si la fixation des tarifs par l'administration publique, telle que précisée par l'arrêt Arduino, est compatible avec le droit de la concurrence si elle est nécessaire et proportionnée aux fins d'intérêt public poursuivies par la loi, et notamment nécessaire pour garantir la qualité de service et de protection des droits.

Toutefois, le droit de la concurrence n'est pas le seul droit communautaire auquel est soumise la détermination des tarifs. Non moins pertinentes sont les réglementations relatives à la libre prestation de services et à l'établissement : dans l'arrêt Cipolla, la Cour de justice européenne a fait valoir que les tarifs minimaux limitent en principe la libre prestation de services puisqu'ils empêchent les opérateurs des États membres de profiter des leur efficacité. La même Cour n'a pas considéré que les tarifs maximaux présentaient le même risque même si du point de vue de la concurrence ils pouvaient être considérés comme restrictifs puisqu'ils donnent lieu à une information sur l'exécution du service.

Au-delà des considérations juridiques, la vraie question est de savoir dans quelle mesure la fixation des tarifs doit être considérée comme justifiée dans l'environnement économique actuel. L'approche traditionnelle est basée sur l'idée que l'évaluation de l'activité professionnelle ne peut pas être effectuée facilement par le marché, car il est très difficile, dans une condition d'asymétrie d'information pour le client, d'apprécier la qualité du service et du marché mécanisme peut entraîner une détérioration de la qualité.

De ce point de vue, il est nécessaire de dépasser l'idée d'un marché de services juridiques uniforme, pour lequel tout pose un besoin pour éviter les problèmes d'information qui entraînent une détérioration de la qualité du service. En réalité, différents segments peuvent être identifiés.

Il existe un marché sur lequel opèrent des entreprises et des studios professionnels où il est clair que ceux qui achètent des services font un choix éclairé en fonction de considérations de marché, tandis que les studios qui les proposent essaient de se qualifier, qu'il s'agisse de grands réseaux ou de boutiques, par le biais d'un connotation de leurs services. Il ne me semble pas qu'il y ait de problèmes sur ce marché qui doivent être résolus en fixant des tarifs.

D'autre part, des problèmes peuvent surgir pour une clientèle moins spécialisée, pour laquelle cependant l'ouverture du marché de l'information, et peut-être de nouvelles façons d'offrir le service, peut-être même l'élargissement de l'accès au conseil, peuvent faire qu'il n'est plus nécessaire de recourir au taux de liaison. Bien sûr, pour cette clientèle, un tarif de référence non contraignant pourrait plutôt être utile, ce qui pourrait même faciliter la comparaison d'utilisateurs dispersés qui pourraient avoir des difficultés à se renseigner. Et cela notamment dans des domaines à grande importance sociale comme le droit de la famille ou du travail.

A cet égard, les autorités de la concurrence ont également tendance à regarder les tarifs de référence avec hostilité, et il existe différents cas de poursuites engagées à ce sujet, tant en Italie qu'en France. Cependant, une réflexion pourrait être proposée, si l'on partait d'une position de négation absolue de la comparaison.

Les mêmes considérations peuvent être faites pour l'interdiction de la publicité des services qui est traditionnellement liée, dans tous les systèmes juridiques, au caractère non économique des prestations professionnelles, et à l'opportunité de limiter ainsi la concurrence entre studios.

Naturellement, par rapport à ce thème, des questions délicates se posent quant au type d'informations pouvant être diffusées et à la justesse de la publicité. L'abolition de l'interdiction dans notre système juridique, intervenue en 2006, reflète des tendances déjà mises en œuvre dans les autres systèmes juridiques communautaires, même si l'interprétation concernant les limites de l'information est très différente dans les différents systèmes juridiques. Dans l'ensemble, l'interprétation donnée par le National Forensic Council de la législation semble représenter le juste équilibre.

4. Les accès – Je dirais que l'accès doit être ouvert mais très sélectif. Et de ce point de vue, l'enjeu pour notre profession me semble être de savoir si le système italien est suffisamment sélectif. A l'exception du système espagnol, les autres systèmes juridiques prévoient des mécanismes de forte sélection dans l'accès à la pratique médico-légale ou à l'université elle-même. Les mécanismes d'accès ne sont alors pas moins sélectifs que ceux qui caractérisent notre pays.

Cependant, si la sélectivité est revendiquée, il faut également aborder la question du stage de manière cohérente, qui jusqu'à présent dans notre pays se déroule de manière beaucoup moins structurée que dans d'autres systèmes juridiques et ne garantit pas aux stagiaires des formes de rémunération. Des propositions récentes tendent à raccourcir le stage et à en faire une partie pendant les études universitaires. En réalité, le système italien est le seul qui exige cinq ans de préparation universitaire, alors que généralement la période universitaire requise est plus courte et égale à quatre ans. Il semblerait alors raisonnable qu'une partie de la pratique ait lieu pendant la période d'études : le fait est que les structures universitaires apparaissent actuellement totalement démunies pour faire face à une telle tâche.

Enfin, la question de l'accès se pose également par rapport au retour à la profession de ceux qui décident d'exercer l'activité dans une société administrative.

5. Quelle organisation pour le plaidoyer ? – L'évolution de l'environnement économique et social pose la question du caractère que doit avoir la profession d'avocat. Traditionnellement, le plaidoyer a été vu comme une activité à l'échelle individuelle : l'avocat est un artisan ou un artiste, si l'on préfère, de la profession. Cependant, la complexité et la diversification croissantes des problèmes rencontrés par l'avocat nécessitent une transition vers l'activité plus caractérisée par la spécialisation et l'organisation.

Le développement d'organisations professionnelles complexes, regroupant des centaines voire des milliers d'avocats, est caractéristique non seulement des pays anglo-saxons mais aussi de nombreux pays continentaux. Ce sont des réalités qui répondent évidemment à l'objectif de fournir une vaste gamme de services, dans divers secteurs, avec une présence ou des connexions internationales, qui facilitent les affaires sur les marchés, et ensemble, ils créent une réputation de qualité qui peut être reconnue par les clients dans divers contextes territoriaux.

Naturellement, la croissance de la taille des cabinets n'est pas un fait inéluctable : même dans le domaine du droit des sociétés, il existe des cabinets plus petits ou des professionnels individuels qui jouissent d'une très grande réputation dans leur secteur. Toutefois, l'important est que les modalités d'exercice de la profession d'avocat soient telles qu'elles permettent l'éventail le plus large de modes d'organisation. Parmi celles-ci, la possibilité d'exercer l'activité non seulement en s'associant à des avocats, mais à des personnalités professionnelles non nécessairement réglementées.

Ces considérations expliquent l'accent mis par les réformes en cours dans notre pays et ailleurs sur les sociétés professionnelles. L'organisation corporative représente en effet une opportunité d'articulation et de renforcement de la structure traditionnelle des studios que je considère personnellement d'une grande importance. Elle pose le problème des relations entre partenaires et autres professionnels et la question toute prospective de la possibilité pour des professionnels ayant des relations de collaboration stables de collaborer dans l'entreprise : dans une perspective qui pourrait être considérée favorablement, par exemple, par des professionnels plus jeunes.

Se pose également le problème de l'accès à la société au capital des associés non professionnels et notamment des associés capitaux. Il est clair que cela offre des opportunités intéressantes pour renforcer le capital des Studios et, ainsi, pour financer l'expansion. Reste cependant le délicat équilibre entre les obligations de confidentialité et d'indépendance des professionnels et les intérêts de l'actionnaire au capital. Il est fort possible que ceux-ci ne soient pas incompatibles entre eux : mais en principe je ne vois pas de grands avantages à pousser l'industrialisation de la profession au point d'en faire une activité de pur investissement capitaliste.

6. Conclusion : le projet de réforme et la situation actuelle – Je voudrais conclure en énonçant quelques mots sur le processus de révision de la législation relative aux professions juridiques dans notre pays : le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il révèle un problème de méthode : sur le fond, il apparaît guidé par des initiatives improvisées (voire appréciable) plutôt que par une conception globale .

D'autre part, cela semble aussi dépendre de la façon dont le débat sur le sujet s'est développé dans notre pays au cours des quinze dernières années, puisque, en 1997, l'AGCM a achevé son enquête d'information, dans laquelle elle proposait une refonte globale des professions, revoyant les critères d'exclusivité, les critères de régulation et les limites au fonctionnement du marché.

Il s'en est suivi quelques propositions de réforme globale du régime des professions, qui n'ont pas été approuvées par le Parlement. Au lieu de cela, une remise en cause de la législation relative à la profession d'avocat, qui remonte à 1933, a été initiée, également à l'instigation des avocats. Pourtant, le texte finalement approuvé par le Sénat l'an dernier, et qui reflète largement les revendications des instances professionnelles, semble avoir adopté une position très conservatrice et de statu quo. En un mot, il me semble qu'elle reflète essentiellement une vision quelque peu archaïque de la profession, encore centrée sur l'individu professionnel, dans un contexte peu ouvert aux évolutions extérieures.

Le projet de (presque) loi apparaît désormais profondément remis en cause par les mesures que ce gouvernement et le précédent ont fixées depuis juillet dernier, notamment en matière de tarifs, de publicité, de durée du stage, d'accès conséquent à la profession et de forme organisationnelle, susceptible d'étendre à la société anonyme contrôlée par un actionnaire capitaliste, la nécessité pour les arrêtés d'adapter leurs prévisions à bref délai aux dispositions réglementaires.

Comme mentionné, ce sont des mesures qui identifient une direction, mais qui ne s'inscrivent pas dans une vision systémique de réforme des activités professionnelles.

Il s'agit donc de voir comment la profession peut se positionner par rapport au défi posé par le législateur : si, semble-t-il, dans une position exclusivement oppositionnelle, comptant sur des alliances politiques pouvant donner lieu à des reculs. Ou ne veut-il pas plutôt en profiter pour orienter la réforme vers un autre rôle et une autre perspective de la profession. Ce qui amène à une réflexion plus générale sur les critères d'exercice des activités professionnelles.

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