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Aru, un rappel splendide à Sestrière. Contador vacille mais le tour est à lui

Le maillot rose entre en crise sur le Colle delle Finestre mais parvient à conserver l'avantage en arrivant à 2'25'' du Sarde qui devance Hesjedal et Uran. Landa argumentatif et en larmes après avoir été arrêté par Astana alors qu'il était en fuite lors de l'ascension finale. Aujourd'hui défilé à Milan. Le Pistolero, vainqueur de son deuxième Giro, vise un doublé sur le Tour

Aru, un rappel splendide à Sestrière. Contador vacille mais le tour est à lui

Alberto Contador remporte le Giro le jour où il risquait de le perdre, acculé d'abord par les coups de rasoir de Landa, puis par l'exubérance explosive d'Aru, auteur d'un bis extraordinaire sur la ligne d'arrivée de Sestrière. On n'avait jamais vu l'Espagnol perdre proprement ses roues au profit de ses rivaux comme ce fut le cas hier dans les terribles virages en épingle du Passo delle Finestre, dès que l'asphalte a cédé la place à un chemin de terre d'une autre époque. Jusque-là, on avait l'impression d'assister au scénario habituel des étapes de haute montagne : encore une fois Aru et Landa, grâce à la force admirable d'Astana, avaient isolé le maillot rose qui s'est vite retrouvé sans plus de coéquipiers. Ces derniers jours, Contador seul suffisait et il avançait pour tenir à distance les deux jeunes coqs du cuirassé kazakh, donnant aussi des leçons de grand cyclisme comme sur le Mortirolo. Hier aussi, à la brusque fente de Landa, le Pistolero a tout de suite tenté de le suivre, mais ensuite – voici le tout nouveau scénario – il s'est planté sur les pédales comme s'il avait soudainement perdu toute puissance. Le Basque, grimpeur de valeur absolue, s'est envolé à la poursuite du Russe Zakarin. Aru est resté avec Contador pendant quelques centaines de mètres. Mais il ne lui a pas fallu longtemps pour comprendre que le voyant rouge de réserve s'était allumé pour l'Espagnol et qu'il s'éteindrait aussitôt, créant un vide de plus en plus incompressible. Le Giro vivait une finale complètement inattendue avec le maillot rose qui n'arrivait même pas à suivre Hesjedal, Kruijswijk et Uran, les trois plus pressés de se lancer à la poursuite d'Aru. "Les grands tours se gagnent en surmontant les jours sombres", Pistolerto dira à la ligne d'arrivée. Mais à deux kilomètres du sommet, alors que les virages en épingle devenaient de plus en plus suffocants, seul contre tous dans ce majestueux amphithéâtre qu'est le Colle delle Finestre, pour le champion d'Espagne la situation empirait. Le Contador del Mortirolo n'était plus qu'un souvenir. Il a souffert au point de ne même plus suivre Kangert, qui n'est pas un grimpeur.

Sur la colline, Cima Coppi de ce Giro, Landa a précédé un Zakarin épuisé. Moins d'une minute plus tard, l'équipe d'Aru est passée. Le retard de Contador approchait les deux minutes. Dans la descente vers Pragelato, avant le départ de l'ascension finale de Sestrière, les écarts sont restés inchangés aussi car Landa n'a pas changé par rapport au Russe qui n'avait plus un watt d'énergie dans son corps ; Uran s'est également fâché avec Aru dans le petit groupe de poursuivants immédiats pour la même raison, mais le Sarde pour des raisons d'équipe est resté proche des autres. Dans cette valse de demandes et de refus croisés, en a profité Contador qui n'a pas pu accélérer mais qui a pris courage en réalisant qu'il n'avait perdu que l'étape, mais pas le Giro.

Même dans le vaisseau amiral d'Astana, ils ont senti, peut-être un peu tard, que Landa et Aru ensemble auraient pu faire sauter la banque, compte tenu de la journée décidément négative pour le maillot rose. Puis ils décidèrent d'arrêter Landa, qui obéit à contrecœur, car il volait vers un décor probable après avoir planté un Zakarin à la dérive. Aru avait quant à lui engagé le quatrième mettant à rude épreuve la résistance d'Uran, Hesjedal et Kruijswijk. Malgré ce gâchis tactique à Astana, Contador a encore perdu du terrain mais pas au point de lui faire perdre son calme, conscient qu'une accélération pour réduire l'écart pouvait être mortelle.

Alors que le moral de Landa chutait sous les pédales, Aru grimpa sur la chaise, d'une vigueur compétitive et d'une explosivité qui ont fait frémir la foule de la montée de Sestrière. Une chevauchée royale qui n'a laissé aucune chance à ses rivaux. Un triomphe, 24 heures après celui de Cervinia, qui relève encore la barre de la valeur de un coureur destiné à devenir un acteur majeur du cyclisme mondial. à 18" arrivé deuxième, comme avant-hier, Ryder Hesjedal, auteur d'une splendide arrivée dans ce Giro qui le voit désormais entrer dans le top cinq. Toujours troisième à 24'' – comme à Cervinia – une Uran retrouvée qui a précédé une Landa découragée qui, après l'arrivée, versera des larmes amères pour cet arrêt imposé. Cinquième Kruijswijk à 34''.

puis surveillez le chronomètre en attendant Contador, sixième à 2'25. Un coup inattendu mais le Pistolero franchit la ligne d'arrivée en agitant le poing comme s'il avait terminé premier. Le Giro était dans le coffre, mais la crise du Colle delle Finestre insinue quelques doutes sur la "mission un-deux", c'est-à-dire conquérir le Tour après le Giro, réalisant un exploit qui n'a réussi que très peu de grands du passé. Même son mécène, Oleg Tinkov qui l'a suivi sur le Giro en s'enthousiasmant pour ses exploits, aimerait lui aussi qu'il participe à la Vuelta en août. Comme si ce qui l'attendait fin juin en France ne suffisait pas quand Contador affrontera Nibali, Froome et Quintana pour un défi stellaire. auquel Vinokourov, team manager d'Astana, aimerait qu'Aru participe également. "Juste pour acquérir de l'expérience", a ajouté l'ancien Vino qui a désormais la tâche agréable mais pas aisée de gérer et d'allier le leadership de Nibali dans la même équipe aux ambitions grandissantes et légitimes d'Aru mais aussi de Landa, sacrifié hier à Sestrière qui, par ne remportant pas l'étape, a également raté de peu la conquête du maillot bleu de leader des grimpeurs laissé sur les épaules de Giovanni Visconti.

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