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Week-end à Carpi avec le graphisme de Picasso, Kirchner, Rouault et Chagall

Jusqu'au 6 janvier 2020, les Musées du Palazzo dei Pio à Carpi (MO), accueillent l'exposition PERSONAE avec des œuvres gravées sur bois de quatre maîtres de l'art du XXe siècle, tels que Pablo Picasso, Ernst Ludwig Kirchner, Georges Rouault, Marc Chagall .

Week-end à Carpi avec le graphisme de Picasso, Kirchner, Rouault et Chagall

Le choix des oeuvres s'est porté sur les gravures sur bois et donc plus largement sur le graphisme, qui développent le thème de l'iconographie des masques (en latin, personae) Africains qui ont été une source d'inspiration pour les artistes européens de la veine Primitivisme.

Dès les dernières décennies du XIXe siècle, avec la multiplication des études anthropologiques, le primitivisme coïncide avec une volonté de retour à l'état d'innocence des civilisations préhistoriques et des peuples « sauvages », et donc avec un rejet de la société moderne.

Après les hommages à Jim Dine (2009), à Adolfo De Carolis (2011), à Mimmo Paladino (2013) à Emilio Isgrò (2015) et à Georg Baselitz (2017), ce seront ces quatre artistes qui rendront à nouveau le lien qui lie la gravure sur bois à Carpi, qui a donné naissance à Ugo da Carpi, inventeur de la technique de la gravure sur bois en clair-obscur dont il était l'un des représentants les plus importants.

Le parcours de l'exposition voit 47 gravures sur bois de petit format de Ernst Ludwig Kirchner (1880-1938), contenue dans le recueil de poèmes Ombrie vitae écrit par Georg Haym, auteur visionnaire, mort à 25 ans, prophète de la catastrophe d'un monde submergé par la technique et précurseur de l'expressionnisme le plus exaspéré.

Georg Heym, Umbra vitae mit 47 originalholzschnitten von Ernst Ludwig Kirchner (Umbra vitae avec 47 gravures sur bois originales d'Ernst Ludwig Kirchner), Kurt Wolff Verlag Munchen 1924. Couverture

Le volume contient les gravures du Kirchner plus mûr et inconsolable ; cela se comprend aux petites scènes noires qui précèdent les poèmes, au frontispice noir et rouge, aux gardes fuchsia lumineuses, à la puissante couverture en lin vert olive, jaune et noir à deux grosses têtes qui se détachent sur le profil de les montagnes. Les têtes allongées, tracées de signes épais et décisifs, les yeux marqués, les bouches dévastées renvoient formellement et psychologiquement aux masques rituels et à la magie qu'ils dégagent.

Le spectacle continue avec Le chef d'oeuvre inconnu d'Honoré de Balzac, considéré comme le plus beau livre d'artiste Pablo Picasso (1881-1973), sorti à Paris en 1931 en 340 exemplaires pour les éditions d'Ambroise Vollard.

Le volume contient 67 dessins gravés sur bois, petites têtes et figures tracées avec essentiel, une attention formelle qui conduit au cœur de la représentation de l'humain comme forme et comme substance. C'est ici que Picasso fait référence à sa profonde connaissance de l'art africain qui, dès les premières années du XXe siècle, imprègne toute sa production artistique.

Les 105 gravures sur bois Georges Rouault (1871-1958) tiré de Réincarnations du Père Ubu (1932), sont claires, délicates et puissantes à la fois, suivant la marque tantôt fine, tantôt plus épaisse de l'artiste. Ce qui frappe dans ces gravures, c'est la caractérisation des personnages, dont Rouault accentue les expressions pour les faire ressembler à des caricatures grotesques et tragiques, ce qui suscita l'admiration des expressionnistes. En effet, si dans sa première production le peintre s'est consacré à la représentation d'une humanité variée – clowns, criminels, pierrots et prostituées – vues comme témoins d'une humanité vaincue et humiliée, on perçoit dans cette œuvre le spiritisme qui caractérise l'existentialisme des le philosophe Jacques Maritain (conseiller spirituel de Rouault), qui a rapidement poussé le peintre à devenir l'un des plus grands auteurs d'art sacré du XXe siècle. Et ainsi pendant qu'il enregistre pour le Père Ubu, a travaillé sans relâche pendant des années sur les 58 aquatintes du pitié (1948), dont 6 feuilles sont exposées, qui surpasse tous les cycles graphiques que comporte l'histoire de la gravure en termes de quantité et de format.

L'exposition se clôt sur les eaux-fortes Marc Chagall (1887-1985) fait pour illustrer Les âmes mortes de Nicolas Gogol. En faisant ressortir la Russie de son enfance, les personnages de la "comédie humaine", grotesques, comiques et douloureux à la fois, sont les véritables protagonistes de l'histoire, dont les visages aux traits et expressions forts, qui renvoient à l'essence la plus profonde de « l'être humain ».
L'exposition est accompagnée d'un catalogue (Moggio Editore, Rome).

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