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Trois bonnes raisons de revenir sur Adriano Olivetti et son idée novatrice de communauté

Plus que chercher sa propre survie par la réduction des coûts, l'industrie italienne doit se développer en pariant sur l'innovation, la qualité et la valorisation du capital humain selon le modèle de participation des travailleurs dans les entreprises d'Adriano Olivetti. 3 priorités : bien-être de l'entreprise, productivité, négociation d'entreprise

Trois bonnes raisons de revenir sur Adriano Olivetti et son idée novatrice de communauté

Pour l'industrie italienne, le vrai défi est celui du changement. Non pas celui de survivre, en comprimant les coûts au-delà de l'imaginable, mais celui de grandir en innovant. Si elle ne veut pas tomber dans l'insignifiance, l'industrie italienne doit se diversifier, se spécialiser, élever la qualité de ses produits en y adaptant le processus de production. Et pour ce faire, elle doit miser sur la technologie, la recherche et la valorisation de son capital humain. Se limiter à défendre l'existant en le mettant à l'abri de la concurrence internationale ne sert à rien, au contraire cela nous nuit. Il y a une révolution industrielle en cours que nous ne pouvons ignorer et il y a une mondialisation des cycles de production à laquelle nous devons nous adapter. Toutes les grandes chaînes de production, de l'automobile à la mode, en passant par les TIC, le médical, etc. elles sont déjà mondiales aujourd'hui. Le produit fini, qu'il s'agisse d'une voiture, d'une robe de créateur ou d'un smartphone, est le résultat de l'assemblage de composants et de processus organisationnels, productifs et commerciaux qui se déroulent à l'échelle mondiale.

C'est la mondialisation qui rend tout cela possible et c'est précisément pour cette raison qu'elle représente un grand fait positif : parce qu'elle nous oblige à changer et à nous spécialiser, parce qu'elle élargit les marchés et parce qu'en allongeant la chaîne de production à l'échelle mondiale, elle crée de la valeur et de l'emploi pour tous. Mieux encore, il n'y a pas de barrières à l'entrée. Les seuls obstacles sont la qualité des produits, la fiabilité de l'entreprise et l'efficacité de la production. Même la finance qui alimente la mondialisation productive n'est pas spéculative, qui privilégie les dérivés et les titres toxiques, mais (presque toujours) la finance d'entreprise. Dans le choix de l'implantation éventuelle des entreprises, le coût de la main-d'œuvre importe moins que la qualité des produits (le cas de Whirpool qui a choisi Varèse comme site de production de fours électriques en est une confirmation).

Pour l'Italie, être présent dans toutes ces chaînes d'approvisionnement, en position de leader là où il réussit ou même en tant que simple fournisseur de composants, est décisif. Cela demande de l'ouverture d'esprit, de la culture, de la flexibilité et du dynamisme, ce qui manque à nos entrepreneurs et à nos travailleurs. Cependant, qu'on le veuille ou non, ce processus est irréversible et nous devons nous équiper pour être des protagonistes et non des victimes. Comme, comment? Faire les réformes, de celle de l'école, de l'université et de la formation à celle de la recherche, de l'administration publique et de la justice. Des réformes qu'il appartient au politique de rendre valable la crise même de notre système politique et institutionnel. Mais aussi en réalisant une véritable révolution dans le système des relations industrielles, ce que les organisations patronales et syndicales doivent faire.

Les accords récemment conclus en matière de représentation sont importants mais encore insuffisants. La vraie question à résoudre est celle de la "participation" des travailleurs à la gestion des entreprises. Ou plutôt, celle du passage d'un système fondé sur l'antagonisme à un autre fondé plutôt sur la prise en charge commune de l'avenir de l'entreprise. Celui d'Adriano Olivetti, qui a conçu l'entreprise comme une communauté, n'était pas une utopie. Elle était tout simplement trop avancée par rapport à l'époque où elle a été conçue et qui était dominée par la guerre froide et marquée par la lutte des classes. Mais maintenant que la guerre froide est terminée et que même la lutte des classes semble s'apaiser, cette idée peut redevenir d'actualité. « Communauté » signifie partager les choix et les risques qu'ils comportent, les fardeaux comme les honneurs. Enfin, c'est partager les résultats positifs et les orienter vers la satisfaction des besoins des travailleurs et des besoins de l'entreprise.

Il n'est pas forcément nécessaire d'aller en Allemagne pour imaginer un système participatif de relations industrielles. On peut très bien, si on veut, remonter à Olivetti au moins pour trois aspects fondamentaux de ce système. La première c'est le développement du Welfare des entreprises qui permet d'allouer une partie des augmentations salariales liées à la bonne performance des entreprises à la satisfaction des besoins des travailleurs, atténuant ainsi la nécessité pour l'État de toujours et uniquement s'en occuper. Le second c'est le lien entre l'augmentation de la productivité et l'augmentation des salaires. Le salaire doit de plus en plus correspondre au contenu du travail et la productivité est peut-être la plus importante avec la fatigue, le professionnalisme et la responsabilité. Récompenser la productivité est le véritable moyen de valoriser le capital humain et d'en faire le véritable moteur de l'innovation et du développement des entreprises. Enfin, le troisième volet c'est la prééminence de la négociation d'entreprise et, pour les petites entreprises, territoriale, par rapport à la négociation nationale. Il appartient à la négociation nationale de définir le cadre général de référence de la catégorie et de fixer les niveaux minimaux garantis pour chacun. Mais c'est à la négociation d'entreprise de s'assurer que le salaire correspond au contenu concret du travail de chacun. Dans l'immédiat, cela créera peut-être des différences, mais cela contribuera néanmoins à accroître la productivité, à stimuler l'innovation et à favoriser le développement. Il appartiendra alors au syndicat d'essayer de transférer les réalisations les plus significatives au niveau de l'entreprise à tous les travailleurs du secteur, comme cela s'est effectivement produit avant 68, c'est-à-dire avant que la conception égalitaire et nivelante du travail ne prévale.

Bien sûr, pour créer un nouveau système de relations industrielles, il faut une véritable rupture avec le passé, un changement radical de paradigme. Ce ne sera facile pour personne de le faire. Mais il faut au moins essayer, sinon pour nous du moins pour ces jeunes qui se sont vu refuser la possibilité d'avoir un emploi stable sinon même un avenir par l'égoïsme de la "génération égoïste" (celle qui a fait 68 et 77 ).

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