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Standard & Poor's a tort : trop de pessimisme sur la reprise italienne

S&P a fait beaucoup d'erreurs avec ses notations (Lehman surtout) - Les marchés n'ont pas cru cette fois non plus l'agence américaine, qui est trop pessimiste sur la croissance italienne et réduit la comparaison avec l'Espagne uniquement à la consommation et aux exportations - Mais aujourd'hui Madrid paie plus sur les Bonos que Rome sur les BTP

Standard & Poor's a tort : trop de pessimisme sur la reprise italienne

Standard & Poor's a récemment publié un rapport pessimiste sur la reprise italienne. En particulier, l'agence de notation s'attend à ce que, malgré les effets revigorants exercés sur les économies de la zone euro par la dépréciation de l'euro, la chute des prix du pétrole et le début du QE par la BCE, la reprise italienne sera plus lente que celle de les autres grands pays de l'UE. Selon S&P, la comparaison entre la dynamique de la consommation et des exportations entre l'Espagne et l'Italie serait particulièrement pertinente : la consommation a augmenté dans le pays ibérique de 3,5 % contre 0,8 % en Italie ; les exportations augmentent de 6% en Espagne contre 4% en Italie.

On se demande si le pessimisme de S&P est justifié ou s'il résulte d'un préjugé, peut-être une sorte d'extrapolation des difficultés de croissance passées du Bel Paese. Selon nous, il y a de bonnes raisons de croire que le pessimisme de S&P quant à la reprise italienne est exagéré.

La considération la plus importante est qu'il est très difficile de prédire comment la dynamique macroéconomique d'un pays réagira à des réformes majeures. Prenez la réforme du marché du travail. Bien qu'avec des différences importantes, la loi italienne sur l'emploi de 2015 s'inspire de la loi Hartz, la réforme du marché du travail introduite en Allemagne en 2003. Eh bien, si l'on compare la différence entre les prévisions de croissance du PIB formulées (en avril de l'année de référence) et la croissance effectivement réalisée au cours de l'année (dans les deux cas, données du FMI), on peut noter quelque chose d'intéressant.

La figure 1 nous montre qu'entre 1998 et 2003, les erreurs de prévision étaient en moyenne négatives en Allemagne et en Italie, c'est-à-dire qu'il y avait une tendance à prévoir une croissance supérieure à celle qui serait effectivement réalisée. La situation a changé après la loi Hartz (première ligne noire verticale) : si les erreurs de prévision sont restées globalement négatives en Italie, elles sont devenues majoritairement positives en Allemagne et le sont restées même après le déclenchement de la crise mondiale. Il est donc légitime de se demander si même en Italie après le Jobs Act (deuxième ligne verticale) la croissance pourra dépasser celle attendue. Il est trop tôt pour le dire, mais la seule observation disponible, celle se référant à 2015, nous donne une croissance de 1% du PIB italien, soit le double de ce qui était prévu par le FMI en avril dernier.

De plus, se concentrer, comme le fait S&P, sur la seule dynamique de la consommation et des exportations peut être trompeur dans la comparaison entre l'Italie et l'Espagne. Par exemple, le taux de chômage en Espagne est toujours à 22,4% contre 12,0% en Italie et cela affectera négativement la croissance de la demande intérieure dans le pays ibérique.

Et encore une fois, il convient de rappeler que S&P (avec les autres principales agences de notation) a commis tellement d'erreurs avec ses propres notations que sa capacité à prévoir est remise en question. Qu'il suffise de rappeler quelques cas : absence d'avertissement des investisseurs en 1997 sur le début de la crise asiatique, maintien en 2001-02 de notes trop élevées pour de nombreuses entreprises qui se sont vite avérées être des « tambours » (par exemple Enron aux USA et Parmalat en Italie), en 2007-08, déclassement de Lehman Brothers uniquement lorsque la banque a fait faillite et des produits financiers structurés (souvent liés à des prêts hypothécaires à risque) uniquement après le début de la crise… et cela pourrait continuer. Si S&P a commis de telles erreurs dans son activité originelle d'émission de notations, peut-on supposer que ses modèles de prévision macroéconomique sont plus fiables ? 

Enfin, la croissance d'un pays - mais aussi la dynamique de sa consommation, principale composante de la demande globale - dépend aussi des politiques budgétaires mises en œuvre. De ce point de vue, l'Espagne a été autorisée à maintenir des politiques beaucoup plus expansives qu'en Italie : le déficit public du pays ibérique était proche de 10 % entre 2010 et 2013 (4 % en Italie), 6,8 % en 2014 (2,9 % en Italie) et 5,8 % en 2015 (3 % en Italie). Dans ces circonstances, le jugement le plus important est celui des marchés qui font payer plus les débiteurs jugés plus risqués, car peut-être croissent-ils mais de façon insoutenable. 

Eh bien, par rapport à il y a un an, le taux d'intérêt payé par le gouvernement italien sur les BTP à dix ans a baissé de plus de 60 points de base (0,6 point de pourcentage), tandis que celui sur les Bonos espagnols à dix ans a chuté de moins de 20 points de base. Ainsi, l'écart entre les taux espagnols et italiens, d'environ -30 points de base il y a un an, est devenu positif d'environ +20 points de base, c'est-à-dire que l'Espagne paie un peu plus que l'Italie malgré le fait que S&P donne au pays espagnol une note de BBB et le Bel Paese un cran de moins (BBB-). Enfin, dans les jours qui ont suivi la publication du rapport S&P, l'écart entre les Bonos et les BTP s'est légèrement creusé à +25 points de base. Et cela sans compter l'éventuel impact d'un éventuel succès électoral des sécessionnistes catalans. Bref, il semble que les marchés n'aient pas cru au rapport de Standard & Poor's.

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