Partagez

L'UE s'arme contre la fraude et l'évasion fiscales

Algirdas Šemeta, commissaire européen chargé de la fiscalité et des douanes, a présenté la plate-forme contre l'évasion fiscale - Le Conseil de l'UE a adopté deux directives pour contrer, en plus des cas d'évasion fiscale réelle, également ces formes d'évasion fiscale

L'UE s'arme contre la fraude et l'évasion fiscales

Un milliard d'euros par an : c'est le montant des recettes fiscales perdues en Europe. C'est ce qu'a déclaré (et n'a jamais été démenti) Algirdas Šemeta, commissaire européen chargé de la fiscalité et des douanes, lorsqu'il a présenté il y a quelques mois la plateforme contre l'évasion fiscale, l'un des nombreux outils mis en place par l'UE pour tenter d'étoffer au moins dans une certaine mesure les ressources limitées de finances européennes de plus en plus insuffisantes. Une parmi tant d'autres, mais pas la seule, alors que la crise économique et financière mord et accentue encore les forces centrifuges croissantes dans une Europe qui semble avoir perdu ce sens de la solidarité entre les États membres qui, il y a encore quelques années, avait alimenté l'intégration processus.

En effet, de nombreux instruments européens de régulation fiscale ont été activés, ou en cours de mise en œuvre, au cours de l'année écoulée à la suite d'initiatives législatives de la Commission européenne. Après la plateforme contre l'évasion fiscale, il y a eu ces dernières semaines le début de la gestation de la taxe sur les transactions financières, dite taxe Tobin, qui voit la participation de onze États membres de la zone euro (dont l'Italie) à une " "accord de coopération renforcée" et qui de toute façon n'entrera en vigueur qu'en 2017. Et encore le début de la procédure législative (qui ne sera pas aisée à mener à bien) pour la mise en place d'un Parquet européen destiné à identifier et poursuivre les fraudes contre le budget européen et les fonds structurels.

Enfin, il reste à enregistrer l'adoption très récente par le Conseil de l'UE de deux directives visant à combattre, outre les cas de véritable fraude à la TVA, également les formes d'évasion fiscale, c'est-à-dire le contournement de la réglementation, qui sont mises en œuvre par certains grands groupes multinationaux et qui entraînent des réductions substantielles des recettes de la taxe sur la valeur ajoutée. De vraies fraudes, selon la définition contenue dans le texte des deux directives, commises en déplaçant « délibérément » le lieu d'une transaction d'un pays où la taxe sur la valeur ajoutée est plus élevée vers un autre où elle est plus faible. Une thèse que rejettent pourtant clairement les avocats de ces groupes d'entreprises, niant toute hypothèse d'illégalité.

Les motivations des deux directives, discutées il y a deux mois au Conseil, peuvent se résumer à l'affirmation de la plupart des représentants des États membres qui ont pris part à ce débat. Et c'est qu'elles "permettront aux États membres de lutter plus efficacement contre ces formes à la fois de fraude et d'évasion fiscales". Un niveau de mondialisation de plus en plus large de l'économie et de la finance, des formes intensifiées de compétitivité internationale notamment par les pays émergents, des changements rapides dans les modèles économiques - lit la communication de la Commission européenne sur cette question qui date de fin 2011 - posent de nouvelles défis aux systèmes fiscaux nationaux, de plus en plus déterminés à identifier et à combler les lacunes sur le front des recettes.

Ainsi naît la fragilité intrinsèque des systèmes fiscaux des États membres, de plus en plus vulnérables en raison de la rapidité avec laquelle évoluent les schémas de fraude auxquels les autorités nationales de contrôle sont de plus en plus contraintes de faire face afin d'éviter des conséquences graves pour les caisses d'un ou plus d'états.

Les deux directives désormais adoptées par le Conseil modifient la directive de 2006 relative au système commun de TVA. L'un (appelé "mécanisme de réaction rapide") vise à initier des mesures immédiates à prendre en cas de fraude soudaine et à grande échelle. L'autre (appelé mécanisme d'autoliquidation) permet aux États membres de renverser, pour une durée limitée, la règle selon laquelle la taxe sur la valeur ajoutée est appliquée dans le pays d'origine de l'opération à la suite de laquelle il a été effectué une paiement. Avec le mécanisme d'autoliquidation, l'obligation de payer la taxe pour la fourniture de certains biens ou services est transférée du fournisseur (comme l'exigent normalement les normes européennes) au client.

Les caractéristiques de la fraude – ou, si l'on préfère, des formes d'évasion à la TVA – évoluent de plus en plus rapidement, créant ainsi des situations qui nécessitent des réponses rapides. Un exemple est le "fraud carrousel" (la fraude carrousel), où des fournitures sont rapidement échangées plusieurs fois d'un pays à l'autre sans paiement de la TVA.

Le mécanisme de déblocage sera potentiellement appliqué dans ces secteurs : téléphones portables, dispositifs à circuits intégrés, fourniture de gaz ou d'électricité, tablettes, ordinateurs portables, céréales et produits industriels, métaux bruts ou semi-finis. Avec le mécanisme de réaction rapide, une procédure abrégée permettra aux États membres d'appliquer l'annulation de la TVA aux livraisons de biens ou aux prestations de services pendant une courte période, par dérogation aux dispositions de la directive TVA. Lorsqu'un État membre souhaite introduire une mesure spécifique par le biais du mécanisme de réaction rapide, la Commission disposera d'un délai limité pour confirmer cette mesure tout en tenant également compte de l'avis des autres États membres concernés.

L'adoption des deux directives par le Conseil fait suite à l'accord politique intervenu en interne le 21 juin. Dans une déclaration, le Conseil et la Commission ont souligné le caractère temporaire et exceptionnel des deux directives qui resteront en vigueur pendant 5 ans dans l'attente d'une révision générale de la taxation de la TVA. Les deux directives s'appliqueront jusqu'au 31 décembre 2018, et toute révision ultérieure devrait être déclenchée par une proposition de la Commission et approuvée à l'unanimité par le Conseil.

En attendant, la Commission donnera la priorité à l'engagement de définir un nouveau système d'imposition de la TVA, suivant les indications de la communication de décembre 2011 dans le but de faciliter la prévention de la fraude à la TVA plutôt que de s'appuyer sur des solutions basées sur des dérogations.

Passez en revue