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La croissance américaine reste la clé des marchés

DE « LE ROUGE ET LE NOIR » par ALESSANDRO FUGNOLI, stratège de Kairos La chute inattendue des marchés financiers et leur reprise au cours de la première partie de l'année ont pour principale explication la tendance de la croissance américaine qui a retrouvé de la vigueur favorisant un ajustement des Bourses – Il en sera également ainsi pour le reste de l'année mais attention au Brexit très incertain de juin qui peut peser surtout sur les Bourses européennes

La croissance américaine reste la clé des marchés

Les bilans et les perspectives sont généralement des activités de fin d'année. Cependant, décembre n'est une bonne période que pour les bilans, mais pas pour faire des prévisions. Instinctivement, en effet, nous avons tendance à projeter ce qui s'est passé dans ce que nous allons conclure sur l'année suivante. Une prédiction faite en décembre semble invariablement abstraite, mécanique et extrapolative. Essayons donc maintenant, alors que le mois de mars touche à sa fin, de dresser un bilan prévisionnel pour 2016 et d'esquisser quelques scénarios possibles pour la fin de l'année.

C'est comme dans une bataille. Avant que cela ne commence, vous pensez avoir une idée de la façon dont cela va se terminer, mais déjà après quelques heures de combat, la perspective change et devient beaucoup plus réaliste. Le premier trimestre, comme nous le savons bien, a vu une baisse profonde et largement inattendue des marchés, suivie d'une reprise tout aussi forte et inattendue. Les raisons invoquées pour la chute étaient nombreuses. Il y a d'abord eu la géopolitique, puis le pétrole en chute libre, puis la croissance chinoise, puis le taux de change du renminbi, puis la chute générale des matières premières, puis la crise de confiance dans les banques européennes et puis le ralentissement de la croissance américaine.

De toutes ces causes, la seule décisive, à notre avis, était la dernière. De nombreuses raisons ont également été invoquées pour expliquer la reprise des marchés. Il y a eu la forte reprise du pétrole et des matières premières, la stabilisation de la situation chinoise avec l'adoption de mesures budgétaires expansionnistes, la stabilisation du renminbi, l'apaisement des craintes sur les banques européennes, l'adoption de mesures monétaires agressives et innovantes de par BCE, le renoncement apparent à deux hausses de taux par la Fed et, enfin, l'amélioration en partie inattendue des données macro américaines. Là aussi, de toutes ces causes, seule la dernière nous paraît décisive.

La croissance américaine est l'alpha et l'oméga de l'économie mondiale et des marchés financiers. Une bonne croissance (surtout si elle est étonnamment bonne) est capable de tout supporter et de continuer à soutenir les marchés. Elle peut résister à des crises régionales même profondes, comme ce fut le cas avec les crises européennes de 2011, 2012 et 2014 ou le ralentissement continu de l'économie chinoise. Elle peut absorber des complications géopolitiques même considérables, comme ce fut le cas avec le printemps arabe, la guerre en Ukraine, le désordre croissant au Moyen-Orient et les épisodes de terrorisme qui se sont intensifiés en Europe et en Amérique.

Il peut facilement absorber une baisse de moitié du prix du pétrole, comme cela s'est produit en 2015 (de mai à la fin de l'année, le brut est passé de 65 à 35, tandis que le SP 500 n'a perdu que 2%). Elle peut aussi résister à des hausses de taux réalisées (comme celle de décembre) ou anticipées (comme ce fut le cas tout au long de 2015, année où les hausses sont toujours apparues au coin de la rue). A l'inverse, la faiblesse de la croissance américaine génère un état d'appréhension profonde sur les marchés, conduit immédiatement à parler d'une récession mondiale imminente même si les données (comme ce fut le cas en janvier et février) sont bonnes (en Europe) ou normales (en Chine) conditions de croissance) dans d'autres régions du monde.

La faiblesse de la croissance américaine rend également moins efficaces les éventuelles mesures expansives des banques centrales, aux yeux des marchés, alors perçus comme désespérés. Et il exagère démesurément tout problème ou pseudo-problème, comme ce fut le cas avec le pétrole lorsqu'il a approché les 20 dollars ou lorsqu'une crise bancaire européenne a été inventée en février. Si oui, le pétrole, la Chine, les taux qui montent un mois et pas le suivant ou les achats d'obligations d'entreprises que la BCE fait ou ne fait pas sont ce qu'on appelle en anglais des harengs rouges, c'est-à-dire des choses très flashy qui ont tendance à attirer l'attention mais qui en eux-mêmes ne sont ni aussi importants ni décisifs.

L'économie américaine a connu un mauvais quatrième trimestre de 2015 et, pour autant que l'on puisse comprendre, un bon premier trimestre de 2016. Les données arrivant en retard d'un mois ou plus, les marchés ont pris note (avec une grande surprise) de la faiblesse de fin 2015 entre janvier et février. L'arrivée de données (étonnamment) bonnes à partir de la mi-février a coïncidé, sans surprise, avec la reprise généralisée de l'appétit pour le risque. Aujourd'hui, il nous semble que les choses sont en équilibre. Les chiffres de croissance positifs sont désormais considérés comme acquis et ne sont plus d'actualité, notamment parce que les portefeuilles, entre-temps, se sont repositionnés pour redonner de la place au risque. Aujourd'hui, en revanche, les données décevantes, heureusement encore peu nombreuses, qui font en fait reculer les bourses, font l'actualité. La reprise des marchés nous semble donc quasiment terminée et, si elle veut se poursuivre, elle devra le faire beaucoup plus lentement et avec le solide appui de données macro (et corporate) continuellement et constamment positives.

Quant aux faux-fuyants, qui, aussi trompeurs soient-ils, peuvent néanmoins servir aux marchés pour rationaliser les mouvements dus à des facteurs plus profonds, le pétrole et les métaux industriels semblent également proches de la fin de cette phase de reprise. Pour toutes ces raisons, nous abaissons notre vision des marchés de positive à neutre, du moins pour les prochaines semaines. Le prochain rendez-vous, si la géopolitique ne nous réserve plus de surprises, est le référendum sur le Brexit le 23 juin. Dans ce cas également, les données macro américaines feront la différence. Si les données continuent d'être bonnes, toute victoire des OUT ne conduira qu'à une correction globale temporaire, plus modeste que celle de janvier-février. Si les données, à ce moment-là, seront médiocres, la correction sera plus profonde, sans que ce soit le début d'un renversement structurel de tendance.

Si, en revanche, les IN l'emportent, on assistera à une nouvelle phase de redressement des bourses européennes qui, toujours à condition que les données américaines restent au moins modérées, pourront récupérer l'intégralité des pertes par rapport au 2er janvier en la fin de l'année. A quoi ressemblera la croissance américaine d'ici la fin de l'année ? Rien, pour le moment, ne laisse penser que nous nous écartons trop du taux de 1.5 % que les six dernières années ont affiché avec une grande régularité. La Fed a probablement un objectif non officiel légèrement inférieur (entre 1.75 et XNUMX%) et dosera les hausses de taux autour de cet objectif, conçues pour éviter des accélérations excessives de l'inflation des salaires.

Si tel est le cas, la bourse américaine pourra clôturer l'année sur un modeste résultat positif, aidée en cela, au moins psychologiquement, par le pétrole qui, après la correction qui a peut-être déjà commencé, pourra revenir près à 50 $ dans la seconde moitié de l'année. La performance relative de l'Europe, comme nous l'avons dit, sera plutôt dictée par le résultat du référendum britannique, qui est actuellement très incertain.

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