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Ilva, les 3 objectifs essentiels du commissaire et du gouvernement pour éviter de dangereux malentendus

La première étape du commissaire Ilva doit être la reprise de la production de l'usine de Tarente. La seconde est la remise en état, mais un malentendu doit être dissipé : la zone chaude, vitale pour toute la sidérurgie italienne, doit-elle être fermée comme le prétend la justice ou doit-elle être mise en conformité comme le dit le gouvernement ? Enfin, le système doit être rendu aux propriétaires dans 18 à 30 mois

Ilva, les 3 objectifs essentiels du commissaire et du gouvernement pour éviter de dangereux malentendus

En plaçant Ilva sous commissaire, le gouvernement a emprunté une voie très étroite qui n'est pas sans risques mais qui, peut-être, peut nous permettre d'atteindre les trois objectifs que le gouvernement Monti s'était également fixés, à savoir : la sauvegarde du fer et cycle de l'acier, la défense de l'occupation et le début de la reconquête de la zone et des usines. Le ministre Zanonato a clairement indiqué que le site de Tarente ne peut être récupéré que s'il continue à produire. 

Si, en revanche, il devait cesser de produire, comme le juge d'instruction le Dr Todisco le souhaitait et le souhaite toujours, le site de Tarente serait inéluctablement destiné à devenir la plus grande zone industrielle abandonnée d'Italie. Un Bagnoli au nième degré, condamné à la casse et à la dégradation. Une catastrophe environnementale, mais aussi sociale et économique, sans remède possible !

La nomination du commissaire du gouvernement met fin, du moins on l'espère, à la prétention des magistrats instructeurs à se substituer aux administrateurs dans la gestion du cycle de production et aux autorités gouvernementales dans les opérations de bonification. Le pouvoir judiciaire d'instruction (qui uniquement en Italie est traité comme des juges) est chargé d'acquérir les preuves détaillées des manquements présumés des administrateurs afin de pouvoir les renvoyer en justice s'ils le jugent approprié. 

Mais la décision de sanctionner les fautes par des amendes ou des peines de prison ne peut être prise que par un juge en réalité « tiers » et au terme d'un approfondissement contradictoire et d'un débat qui, jusqu'à présent, ont fait défaut. Cela se produit dans tous les pays civilisés et malheureusement cela ne se produit pas en Italie. L'anticipation des amendes (avec l'indicible décision de placer un bon 8 milliards d'euros sous saisie conservatoire) et celle des sanctions (avec la prolongation de l'assignation à résidence pour les Riva au-delà de la limite de la décence raisonnable et légale) n'appartiennent pas au Etat de droit mais à la barbarie judiciaire dans laquelle, malheureusement, nous sommes tombés. 

S'approprier et prendre la responsabilité de gérer l'usine pour s'assurer que le nettoyage et la production fonctionnent en parallèle est un acte extrême que seuls le gouvernement et le Parlement peuvent prendre. Mais justement parce qu'il est extrême, cet acte doit avoir un caractère exceptionnel et une durée limitée dans le temps. Son but ne peut être d'exproprier les propriétaires légitimes mais de garantir la continuité d'une production vitale pour l'économie nationale et, en même temps, de protéger la santé des citoyens en mettant en œuvre les mesures que l'intervention de la magistrature instructeur a, comme l'a déclaré l'ancien ministre Clini, a été sérieusement retardé.

Sur le fond de la disposition, et justement pour éviter de dangereux malentendus, l'action du commissaire et celle du gouvernement devraient se concentrer sur trois points essentiels. Le premier est celui de la reprise de l'activité de production à Tarente. L'usine ne peut générer les ressources nécessaires à la réalisation de la réhabilitation et des investissements que si elle est pleinement productive. L'efficacité de la production est la condition pour qu'Ilva se rétablisse réellement tant d'un point de vue environnemental qu'économique et commercial. Mais l'efficacité n'est possible que si le commissaire parvient à regagner la confiance des cadres et techniciens qui, par peur de la justice, ont massivement démissionné.

Le deuxième point sur lequel nous devrons nous concentrer est celui de la réhabilitation et de la mise aux normes des systèmes. Ce processus devra se dérouler dans les délais fixés par la nouvelle réglementation européenne qui entrera en vigueur le 1er janvier 2014, ni avant ni après. La zone chaude devra être respectueuse de l'environnement, de même que le problème du stockage des matières premières devra être résolu. Mais, même dans ce cas, tout devra être fait en tenant compte du temps nécessaire pour le faire et des limites objectives que présentent de telles interventions. Pour être tout à fait clair : Tarente approvisionne toutes les autres aciéries italiennes, c'est la seule zone chaude dont dispose le pays et elle est vitale pour la survie de l'industrie sidérurgique nationale. Le même avenir de Tarente dépend de sa zone chaude. Il peut être « environnementalisé » en se conformant aux normes européennes et internationales ou il peut être fermé. 

La justice d'instruction veut la fermer car elle la considère, sur la base de données qui n'ont jamais fait l'objet d'un véritable contradictoire, comme la source de tous les maux de la cité, comme le crime lui-même. Et elle considère ses produits (les bobines) comme corps du délit. Au lieu de cela, le gouvernement estime que la production à chaud doit continuer, qu'il est possible de maintenir cette activité dans les limites fixées par La Haye en appliquant les mesures appropriées et que, par conséquent, le commissaire doit pouvoir aller dans ce sens sans que la justice d'instruction l'entraver, docilement ou manifestement arbitraire, l'action. Ce sont deux perspectives diamétralement opposées entre lesquelles il faut choisir. 

Si le choix n'était pas celui de la continuité de production de la zone chaude ou si des doutes subsistaient à cet égard alors il serait préférable de l'énoncer clairement immédiatement, laissant la décision aux actionnaires, qui leur appartient et à eux seuls, de fermer l'usine de Tarente et de rechercher une autre zone hors d'Italie (en Libye ou en Albanie par exemple) dans laquelle créer un nouveau centre sidérurgique afin de continuer à approvisionner le pays en bobines ou de sortir définitivement du secteur. Enfin et surtout, le gouvernement et le Parlement doivent assumer, de manière absolument claire et irrévocable, l'engagement de rendre l'entreprise à ses propriétaires légitimes après un délai raisonnable (18/30 mois). Si tel n'était pas le cas ou si l'ombre d'un doute subsistait à cet égard, la crédibilité de l'Italie auprès des investisseurs étrangers et nationaux s'effondrerait. C'est aussi pour cette raison qu'il aurait été préférable que le décret soit plus délimité et détaillé. Autrement dit, qu'il s'apparentait davantage au « blind trust » anglo-saxon qu'au commissaire prévu par la loi dite Marzano. 

La vague référence aux secteurs stratégiques et au non-respect des lois environnementales comme motifs suffisants à eux seuls pour placer une entreprise en redressement judiciaire ouvre la porte à d'éventuels arbitres. Aujourd'hui, la règle est taillée sur mesure pour Ilva mais demain elle pourrait s'appliquer à d'autres entreprises sur la base de raisons sociales et politiques contingentes qui pourraient irrémédiablement entrer en conflit avec le droit de propriété qui est, et reste, la base de toute économie libre de la marché, ainsi que de la démocratie et de la liberté en tant que telles. C'est une limite qui ne peut et ne doit pas être franchie. Jamais et sans raison.

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