Les années où les projecteurs étaient braqués deux blocs opposés, celle américaine d'une part et celle orientale sous influence soviétique d'autre part ont été parmi les plus significatives de l'histoire contemporaine. Le monde divisé a été documenté par la peinture, la sculpture, l'architecture et la photographie, jamais laissé de côté par la musique et la littérature. Le photographe français Jean-Pière Laffont il est de ceux qui ont tenté de parler à travers son art des années de transformation de l'Amérique qu'il a vécues depuis 1965 lors de son arrivée à New York. Depuis lors, pendant plus de trente ans, il a parcouru les États-Unis de long en large pour tenter d'en décrire l'âme.
L'exposition Turbulent America est née d'une recherche minutieuse et approfondie des archives des clichés historiques du photographe français, exposées au Centre Culturel Candiani de Mestre.
Jean-Pierre Laffont a été au premier rang de certains des moments déterminants de l'histoire américaine et propose à travers ses yeux "une analyse multiforme de ce qu'il a vu se passer entre les années 60 et 80", explique Harold Evans dans la préface du livre, Paradis du photographe. Amérique turbulente 1960 – 1990. "Son œil infatigable n'est pas tant attiré par les ballets de la politique de Washington que par la signification sociale des manifestations dans les grandes villes et du stoïcisme dans les zones rurales", poursuit-il.
A partir de l'analyse de ses clichés, le photographe remarque à quel point chacun d'eux semble représenter « seul grande confusion, émeutes, manifestations, désintégration, effondrements et conflits. Mais, pris dans leur ensemble, ils montrent la naissance chaotique et parfois douloureuse de l'Amérique du XXIe siècle: ils font ce que les photographies font le mieux : ils figent des moments décisifs dans le temps pour une analyse future. Ces images sont un portrait personnel et historique d'un pays que j'ai toujours observé avec un regard critique, mais avec une profonde affection et pour lequel j'éprouve une immense gratitude », comme il l'a lui-même expliqué.
Les photographies de Jean-Pierre Laffont montrent rarement les événements de l'actualité du jour, elles se concentrent plutôt sur les motivations qui les sous-tendent : son intention est d'expliquer les causes et les effets de cette nouvelle. Il a pu capturer les aspects les plus personnels des personnes qu'il a photographiées. Il braque son objectif sur les inadaptés, les démunis, les rebelles. Il a attiré l'attention sur l'explosion de la révolution sexuelle, le mouvement des droits civiques et les conséquences des restrictions à la liberté d'expression.
DES PHOTOS
La main d'un enfant saisit une arme à feu, une main d'adulte la saisit pour aider à stabiliser et à guider l'arme lourde. L'année est 1981, lorsqu'un camp a été créé au Texas pour apprendre aux enfants le maniement des armes à feu, et que le photographe est Jean-Pierre Laffont, membre fondateur des agences photographiques Gamma et Sygma.
Autres photographies : un gros plan sur Martin Luther King lors d'un rassemblement pour la paix en 1967 avec le bâtiment des Nations Unies reflété dans ses yeux et à nouveau une image de 1984 des tours jumelles à côté de la Statue de la Liberté, cette dernière enveloppée dans un échafaudage lors d'un lifting.
Turbulent America est un portrait saisissant de la vitesse flagrante de la vie américaine, de ses divisions traumatisantes, de ses ambitions enivrantes, de ses héros et héroïnes, et de son défilé sans fin de perdants et de cinglés. L'objectif de Laffont montrait à l'auditoire les grands enjeux politiques tels qu'ils émergeaient, s'estompaient ou dégénéraient.
