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Fed: le bon, le mauvais et le laid du report de la hausse des taux

Le report de la hausse des taux de la Fed envoie trois signaux : 1) le point positif est l'effet dynamisant sur le contexte international ; 2) le mauvais côté est la réduction pour la zone euro des effets positifs du Qe ; 3) la mauvaise nouvelle est le risque que le report conduise la Fed à tolérer une reprise de l'inflation et un nouveau creusement des déséquilibres extérieurs dans le futur

Fed: le bon, le mauvais et le laid du report de la hausse des taux

Enfin la montagne a donné naissance à la petite souris. La hausse annoncée de longue date des taux d'intérêt des Fed Funds – ramenés à quasiment zéro (fourchette 0-0,25 %) depuis le début de la crise – dont la Fed avait promis de sceller le retour à la normalité de la gestion monétaire a encore été reportée. Cette décision du FOMC semble raisonnable surtout compte tenu des craintes suscitées ces derniers mois par le net refroidissement des économies émergentes, qui concerne également la Chine. En effet, la réduction progressive (jusqu'à leur arrêt) des achats de titres par la Fed pour revenir de la phase de Quantitative Easing (QE), le soi-disant Tapering mis en place depuis début 2014 avait déjà produit une fragilité croissante des flux de capitaux aux pays émergents. Et ces fragilités s'aggraveraient avec la hausse du taux sur les Fed Funds.

Cependant, évidemment, les choix de la Fed regardent la situation macroéconomique américaine avant même la situation mondiale. Par conséquent, la décision d'hésiter davantage nous donne des signaux sur la situation attendue de l'économie américaine ainsi que sur la situation internationale. Globalement, il me semble qu'il y a trois signaux qu'en s'inspirant du célèbre film de Sergio Leone, on pourrait définir : le bon, le mauvais et le laid.

Le bon signal est celui déjà évoqué pour le contexte international, où le report de la hausse des taux américains aura un effet tonifiant dans les mois à venir. Le mauvais signal est pour la zone euro qui verra les effets positifs produits par son QE diminuer. Sans surprise, alors que les marchés consolidaient l'anticipation du report, il y a eu ces dernières semaines une appréciation de l'euro par rapport au dollar. Le mauvais signal est lié aux craintes que le report de la hausse des taux ne conduise la Fed à tolérer une reprise de l'inflation et un nouveau creusement des déséquilibres extérieurs à l'avenir. Nous nous concentrerons sur ces préoccupations ci-dessous.

La croissance du PIB américain, bien qu'avec des fluctuations, est revenue à environ 3 %. Et cette tendance, qui jusqu'en 2010 avait produit des résultats peu satisfaisants en termes de création d'emplois, a ramené aujourd'hui le taux de chômage à 5 %, à des valeurs proches de celles observées avant le déclenchement de la crise (fig. 1).

Sur le front de l'inflation, il vaut mieux regarder non pas les données réelles mais les anticipations. En effet, si les anticipations redémarrent, l'inflation réelle redémarrera également car les opérateurs économiques intégreront ces anticipations dans les contrats. Eh bien, en regardant l'inflation anticipée calculée par la Réserve fédérale de Cleveland (fig. 2), on peut voir trois phases depuis le début de la crise. De 2007 à 2010, l'inflation attendue passe de 3 à 1,5 %. De la fin de 2010 à la mi-2013, il y a encore une légère réduction à 1,4 %. Depuis lors, l'inflation anticipée a augmenté en moyenne, revenant aux alentours de 3 %. Bien qu'interrompue brutalement fin 2014 et début 2015 par l'effondrement des prix du pétrole (la partie mise en évidence par l'ovale sur la figure), la tendance haussière a ensuite refait surface.

Si l'inflation tend vraiment vers 3%, la Fed devrait agir en remontant significativement les taux. En fait, ce qui compte pour les choix de consommation et d'investissement, c'est le taux d'intérêt réel et avec des taux d'intérêt à zéro et une inflation à 3%, il y aurait un taux réel négatif de 3%, avec des effets potentiels de surchauffe de l'économie.

Mais il y a un autre aspect inquiétant : le déficit du compte courant. Après avoir atteint des sommets à plus de 200 milliards par trimestre en 2006, le déficit s'était réduit à environ 80 milliards en 2013, mais a depuis renoué avec la croissance, dépassant les 100 milliards. Il est vrai qu'à une époque où la demande internationale fait défaut, tout le monde regarde avec intérêt les Américains comme des "consommateurs en dernier ressort". Cependant, il ne faut pas oublier que les États-Unis sont déjà le plus grand pays débiteur au monde. Est-ce que ça va durer ?

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