Le choix de cet espace d'exposition à Bologne est précisément lié à la taille de cette exposition. Le carton, comme on le sait, est un dessin aussi grand que l'œuvre ou une partie de l'œuvre que l'artiste se propose de créer. Qu'il s'agisse d'un tableau, d'une fresque, d'un vitrail, d'une mosaïque ou d'une tapisserie, le carton est une réalisation nécessaire pour que l'œuvre soit achevée par l'artiste lui-même ou par les ouvriers spécialisés qui doivent l'achever matériellement. Et comme ces caricatures renvoient souvent à de grands et très grands projets, elles nécessitent un espace d'exposition tout aussi considérable.
Ce qui se révèle ici, c'est la Collection extrêmement précieuse – véritable grande collection muséale – que la Galleria del Laocoon de Rome a réunie, à la recherche de ces œuvres soit sur le marché de l'art, soit auprès des héritiers des artistes. Constituer une sorte de galerie d'art des "grands dessins" qui met en lumière le haut niveau du dessin dans la première moitié du siècle dernier.
Elles vont d'Adolfo De Carolis de D'Annunzio, dont la grande feuille préparatoire au tableau Primavera (1903) est exposée, à une figure monumentale de Mario Sironi qui semble avoir été taillée dans la roche à coups de graphite. Le carton de la rosace en verre coloré de la cathédrale de Teramo est exposé par le polyvalent Duilio Cambellotti, ainsi que deux dessins préparatoires pour les affiches du film Fabiola, un péplum chrétien qui fut l'un des premiers blockbusters italiens de la période de l'immédiat après-guerre. Deux cartons majestueux pour les fresques de l'escalier du bâtiment de l'INA à Rome - aujourd'hui propriété de l'ambassade américaine - sont l'œuvre du presque oublié Giulio Bargellini (Florence 1875- Rome 1936), infatigable fresquiste des thermes, des banques et ministères où il italien l'archéologie vivante d'Alma Tadema et les beautés féminines que Klimt avait transformées en somptueux papier peint. La Galleria del Laocoon prépare une grande exposition de cet artiste et le catalogue général des œuvres. Achille Funi (Ferrare 1890 - Appiano Gentile, Côme 1972) n'était pas seulement un formidable peintre de fresques mais un restaurateur moderne de l'art de Giotto et Piero della Francesca avec l'intention de faire revivre l'histoire ancienne de l'Italie contemporaine, du Moyen Âge et de la Renaissance, le raconter aux contemporains comme un conte mythologique. Il est naturel qu'il se taille la part du lion ici, avec deux rangées de soldats romains dessinés pour le Martyre de Saint-Georges pour l'église du même nom à Milan via Torino, les figures de Dido et de sa sœur Anna pour la salle de l'Enéide, fresque éphémère exécutée pour la Triennale de Monza en 1930, une Bataille de Chevaliers dans la "Bataille" de Legnano pour la Chambre du Conseil de la Mairie de Bergame et enfin la Vierge annoncée, carton de couleur pastel pour la peinture de l'église de San Francesco à Tripoli, dans lequel il dépeint son élève et amante Felicita Frai.
De Gino Severini est une Vierge à l'Enfant pour la Cathédrale de Lausanne. De Galileo Chini l'une des vertus, qui ornait le Pavillon des Expositions de la Biennale de Venise. Le carton de papier glacé, perforé pour le transfert de poussière, a pris au fil du temps l'aspect d'un parchemin antique, tandis que la figure, dont les contours sont définis par la poussière de charbon de bois laissée dans les trous, a l'apparence d'un aspect irréel.
Publio Morbiducci (1889-1963), l'auteur du Monument à la Bersagliere à Porta Pia, est l'auteur d'une série de dessins avec des triomphes de butin militaire dans lesquels les armes de l'antiquité classique se mêlent aux armes modernes de la dernière guerre . Il s'agissait de grands panneaux de verre dépoli, mais la défaite de ces armes elles-mêmes est intervenue avant la réalisation finale. Du calabrais Achille Capizzano, auteur entre autres de quelques mosaïques du Foro Italico, sont présentées deux scènes de la Divine Comédie inspirées d'anciennes gravures sur bois.
Enfin, d'Ottone Rosai est un Crucifix Youth suspendu presque grandeur nature sur une vaste feuille, dans lequel l'angoisse du dessin pour rendre l'anatomie du corps se traduit par une apparence expressionniste de grand pathos, dans laquelle l'image sacrée est aussi représentation sacrée. de son homosexualité tourmentée.
"Il ne faut pas s'étonner - dit Marco Fabio Apolloni - que dans les années 900 italiennes, liées au retour aux techniques de décoration anciennes et traditionnelles, survivent ces grandes feuilles sur lesquelles l'inspiration de l'artiste, déjà passée en études, croquis, maquettes et ébauches , a enfin pu trouver la juste mesure et les lignes définitives de la forme de son œuvre.
Bien entendu, tracer le dessin sur le plâtre ou la toile n'est que le début de l'oeuvre lorsqu'il s'agit de peindre, alors que le carton pour mosaïque ou tapisserie est souvent déjà colorié par le peintre et donc "fini" en ce qui le concerne.
En tout cas, après le dessin animé, il est rare que l'artiste ait des regrets et il y a donc de grandes différences par rapport au résultat final. Le carton est donc le dernier lieu des incertitudes, des arrière-pensées, des changements brusques en cours. Ce sont les ratures, les corrections, qui font du carton une sorte de linceul en papier de toute la passion et la souffrance d'un artiste en train de créer son propre chef-d'œuvre. C'est cette qualité du carton dans lequel l'œuvre d'art et le document de travail se confondent qui constitue son plus grand attrait. Si la bonne fresque est imperturbable dans sa durabilité, la mosaïque est brillante, le vitrail est resplendissant, le carton en revanche non seulement montre les accidents survenus lors du traitement, mais le temps aussi le rend fragile comme un ancien document dédicacé. D'où sa préciosité, le respect avec lequel il doit être traité et affiché".
CARTONS. D'énormes dessins du '900 italien. Bologne, Sympò (Église de Santa Maria del Buon Pastore, Via delle Lame 83). Horaires : 10h00 – 19h00, du 25 au 31 janvier 2017. Exposition organisée par Marco Fabio Apolloni et Monica Cardarelli.
