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Fonds européens : les ressources sont là mais il faut savoir les dépenser

Le changement de phase de programmation des Fonds structurels et d'investissement européens risque de retarder les investissements : pour cette raison, il serait raisonnable de prolonger la période de programmation actuelle 2014-20

Fonds européens : les ressources sont là mais il faut savoir les dépenser

La crise pressante avec la perspective d'une dépression prolongée nécessite une stratégie claire capable de combiner les deux perspectives à court terme et à long terme. L'intervention à court terme doit couvrir les besoins immédiats avec des initiatives imputées sur les dépenses publiques courantes. Dans le même temps, il est nécessaire de se concentrer sur la perspective à long terme pour activer les investissements publics pour la reprise structurelle. Le risque à éviter est que les interventions d'urgence détournent l'attention des interventions structurelles de développement. Les deux sont urgents. C'est précisément pour cette raison que des idées claires pouvant être mises en œuvre immédiatement sont nécessaires. Dans les deux cas, nous avons besoin d'énormes ressources supplémentaires. Sur ce front, la question n'est pas la disponibilité des ressources. Il s'agit plutôt de réfléchir à comment et où les dépenser.

Car face à la plus grande facilité à s'endetter, si l'argent n'est pas bien dépensé, plus la dépression durera longtemps et plus il sera difficile de pouvoir rembourser les dettes. À moins de compter sur la perspective d'une annulation, comme Draghi lui-même l'a supposé. L'exemple historique qui me vient à l'esprit est celui des amnisties d'après-guerre. Qui sont donnés aux perdants. La meilleure hypothèse est au contraire celle de sortir vainqueur de la crise post-coronavirus, en allouant une grande partie de la dette aux investissements pour relancer le développement, afin de créer les meilleures conditions de remboursement des prêts reçus. Dans cette perspective, la planification des ressources à investir c'est fondamental.

LE PROBLÈME DU RYTHME DES DÉPENSES

La crise actuelle intervient dans la phase très délicate du passage de la programmation des Fonds structurels et d'investissement européens (Fonds ESI) 2014-2020 à la nouvelle programmation 2021-2027. Les périodes de transition entre deux cycles de programmation sont des moments extrêmement complexes pour les administrations en charge de la gestion des Fonds structurels européens d'investissement. Les données de programmation passées le prouvent. Au début de chaque nouveau cycle de programmation, et pendant au moins trois ans, le rythme des dépenses est faible. Il y a donc peu de ressources qui arrivent dans la zone. Il ne s'agit pas d'un problème italien, mais d'une dynamique lente inhérente au fonctionnement des fonds structurels, comme l'illustre le graphique relatif à la période de programmation 2014-2020 pour l'ensemble de l'UE.

Évolution des dépenses des Fonds ESI au cours de la période de programmation actuelle (source : Open Cohesion)

Les raisons de cette lenteur sont liées à des charges de travail qui pèsent sur les administrations dans les moments de transition d'une programmation à une autre. Ce sont des phases dans lesquelles les autorités de gestion des fonds doivent pouvoir utiliser toutes les ressources des anciens programmes et préparer les nouveaux programmes en se familiarisant avec les procédures et les règles du nouveau cadre réglementaire.

La crise actuelle aggrave cette charge de travail. Preuve en est la proposition récente (correcte) de la Commission européenne qui demande aux autorités de gestion d'adapter rapidement les programmes actuels 2014-2020 pour mettre en place de nouveaux appels d'offres permettant de répondre aux besoins apparus en raison de la crise sanitaire.

LE CAS ITALIEN

Ce sont des difficultés que connaîtront toutes les autorités de gestion européennes, pas seulement les italiennes. Dans le contexte italien, les difficultés sont plus grandes parce que la réduction du personnel interne due à quota de retraite 100 les contraintes imposées par le nouveau cadre réglementaire en termes d'utilisation de ressources externalisées pour l'assistance technique s'additionnent. Les règles proposées par la Commission pour la prochaine période septennale 2021-2027 lient la possibilité de recourir à l'assistance technique à l'avancement des dépenses du programme, limitant ainsi la possibilité d'acquérir immédiatement les compétences nécessaires pour instruire les interventions dans cette phase de transition délicate.

L'image décrite montre clairement que nous courons le risque concret de retard d'au moins deux ans pour les territoires italiens (et plus généralement européen) la réalisation d'investissements générés par les Fonds ESI. Ainsi, nos régions, nos villes, mais surtout les zones les plus fragiles seront privées des ressources nécessaires pour activer les investissements généralisés qui sont la clé d'une relance plus rapide et plus équilibrée territorialement. En un mot, plus juste.

REPORTER LA NOUVELLE PROGRAMMATION

Le raccourci à éviter accélérer les interventions anticrise est recentraliser les fonds ESI pour les orienter vers les dépenses courantes plutôt que vers les investissements. Les besoins de développement supplémentaires mis en évidence par la crise seraient perdus de vue, retardant leur solution. Pour éviter cette erreur de perspective, nous pensons qu'il est plus cohérent proposer aux institutions européennes (Parlement, Commission, Conseil) de prolonger la période de programmation actuelle 2014-2020. En d'autres termes, il s'agit de reconnaître que, compte tenu de l'augmentation des projets d'investissement due à la crise, il est raisonnable retarder le début du nouveau cycle de programmation d'une période appropriée à convenir actuellement prévu pour 2021-27. De cette manière, il est possible de récupérer le temps nécessaire pour refinancer tous les programmes existants avec de nouvelles ressources et de les reprogrammer pour les adapter à l'urgence et au nouveau règlement que la Commission lancera pour rendre les fonds ESI plus flexibles pour l'urgence COVID19 . Les avantages de cette proposition sont évidents :

  • N'importe quel de nouvelles ressources prévu pour la période 2021/27 réalloué sur les "anciens programmes" serait disponible immédiatement sans la nécessité de nouvelles négociations et le calendrier d'approbation par la Commission européenne des nouveaux programmes.
  • Les autorités gestion nationale et régionale ils pourraient se concentrer uniquement sur la mise en œuvre des programmes en cours, mettant rapidement les moyens disponibles pour répondre à l'urgence « sur le terrain ».
  • Enfin ils ne perdraient pas de temps à se familiariser avec les nouvelles règles et ils pourraient utiliser les mécanismes de suivi, de contrôle et d'audit déjà testés dans le cadre réglementaire 2014-2020.

Nous sommes conscients que notre proposition modifie l'usage temporel de la politique de cohésion communautaire des cycles de programmation. En période non critique, la définition de nouveaux programmes implique une saine innovation dans les administrations en termes de processus et de contenus. Mais en présence d'une crise grave et prolongée pouvons-nous nous le permettre ?

°°°°° Pietro Alessandrini est professeur émérite de politique économique à l'Université polytechnique des Marches et Alessandro Valenza est associé principal de t33

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