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Taxe Web : taxer les géants de l'Internet est juste mais très compliqué

Les deux députés Pd radiographient l'amendement dit Boccia à la manœuvre budgétaire dite taxe web même si le texte ne le mentionne pas explicitement - Tous les pour et les contre de la disposition en discussion à l'hémicycle

Taxe Web : taxer les géants de l'Internet est juste mais très compliqué

L'amendement substantiel à la manœuvre (pas moins de quinze paragraphes, comme on peut le voir ici) d'abord signé par l'honorable Francesco Boccia porte le nom de taxe web, même s'il n'a que très peu à voir avec le web et on ne sait pas dans quel sens il définit une nouvelle taxe. En résumé, l'amendement prévoit que les multinationales (sociétés dont le chiffre d'affaires consolidé dépasse 1 milliard d'euros) qui vendent des biens ou des services en Italie pour un montant supérieur à 50 millions d'euros peuvent soumettre une décision à l'Agence fiscale pour évaluer l'existence ou non des conditions qui configurer un établissement stable, qui n'est actuellement admis que dans des cas très limités. Si l'Agence constate l'existence de l'établissement stable, elle définit également les sommes dues (paragraphe 5).

Si l'entreprise paie ce qui est exigé par l'Agence, les sanctions administratives sont réduites de moitié (paragraphe 6) et le délit de non-déclaration est exclu (paragraphe 7). Dans ce cas, conformément au paragraphe 9, l'Agence communique à l'autorité judiciaire le règlement des dettes fiscales. Toutefois, si l'entreprise n'accepte pas l'évaluation de l'administration financière, l'Agence peut adopter un avis d'évaluation, avec pleine application des sanctions, également en ce qui concerne les périodes fiscales pour lesquelles les termes de décadence. Le paragraphe 8 de l'amendement, dans la dernière phrase, prévoit en effet une dérogation ad libitum aux conditions de déchéance prévues par la législation en vigueur. Dès lors, si l'administration devait croire que l'établissement stable existait il y a encore vingt ans, elle pourrait exiger le paiement des impôts, intérêts et pénalités d'il y a vingt ans !

À première vue, il y a deux aspects qui sont peut-être positifs et un qui semble inacceptable. Un premier aspect positif est que tout au long de l'amendement aucune référence n'est jamais faite au web ou ses synonymes (bit, réseau, internet, etc.). Après tant de discussions sur la taxe Web, une règle est présentée qui ne s'applique pas spécifiquement aux entreprises Web, mais à toutes les grandes entreprises multilocalisées qui vendent également en Italie. C'est un fait positif dans le sens où on commence peut-être à se rendre compte que désormais toute l'économie est sur le web et que, conceptuellement, il n'y a rien de spécial avec des entreprises comme Google ou Facebook. Un autre aspect probablement positif est l'élargissement des possibilités de recours àinterpellation pour l'évaluation de l'établissement stable. Le point qui n'est pas compris est le paragraphe 8 car il constitue une pénalité, potentiellement très lourde, précisément à payer par les entreprises qui décident de contacter l'Agence du Revenu. Bref, une entreprise qui décide de collaborer risque bien plus que celles qui restent dans l'ombre. Probablement, à cause de ce paragraphe, les entreprises seront réticentes à utiliser cette nouvelle possibilité de collaboration avec les autorités fiscales.

Un autre point critique concerne les avantages mentionnés ci-dessus pour les entreprises qui acceptent l'imposition de l'administration fiscale. En particulier, il y a l'avantage de l'impunité du crime d'omission de déclaration dans une plus grande mesure que celle prévue pour la généralité des contribuables. Aujourd'hui encore, en effet, le paiement de la dette fiscale constitue pour tous les contribuables un motif d'impunité du délit d'omission de déclaration. Or aujourd'hui, pour que cette cause agisse, il faut que le paiement des sommes dues ait lieu dans le délai de la déclaration fiscale de la période fiscale suivante. L'amendement Boccia, en revanche, ne fixe pas de délai et semble donc reconnaître la cause d'impunité même dans les cas où le paiement de la somme due a lieu dans des périodes ultérieures. Cela représente sans doute une incitation à collaborer, mais il n'est pas facile d'expliquer pourquoi les entreprises multinationales auraient dû traitement privilégié par rapport aux autres contribuables. De plus, si cette différence de traitement était supprimée, l'incitation à collaborer serait pratiquement supprimée et il serait encore moins clair comment on peut dire que la loi produit des revenus supplémentaires pour l'État.

A moins de croire que la référence indirecte à l'autorité judiciaire contenue dans le paragraphe 9 entend préfigurer une extension par voie judiciaire de la notion même d'établissement stable. Mais si c'est l'arrière-pensée, force est de constater que la notion d'établissement stable ne peut être modifiée que par la loi. En outre, il n'est pas clair comment cette règle, a fortiori si elle est modifiée par le privilège accordé par le paragraphe 7 aux multinationales, peut être utile au magistrat qui instruit les affaires dans lesquelles l'établissement stable existe, mais n'est pas déclaré.

Bref, au-delà des proclamations, on est encore très loin d'avoir trouvé une manière nationale de taxer les géants du web. L'excuse est que le sujet est objectivement très complexe.

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