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Libye, Italiens kidnappés : payer ou ne pas payer la rançon ? Non mais..

De Affarinternazionali.it, magazine en ligne de l'IAI – Les États doivent-ils ou non payer une rançon dans le cas malheureusement de plus en plus fréquent d'enlèvements à des fins politiques et d'extorsion ? La réponse est certainement non, mais cela dépend.

Libye, Italiens kidnappés : payer ou ne pas payer la rançon ? Non mais..

Les États doivent-ils ou non payer une rançon dans le cas malheureusement de plus en plus fréquent des enlèvements à des fins politiques et des extorsions ?

La réponse est certainement non, mais cela dépend. Tout d'abord cela dépend des contextes ; donc de considérations éthiques, politiques et d'opportunité. Tout cela finit par déterminer le comportement et l'application des règles de différentes manières.

Sacralité de la vie vs sacralité de l'État
Il y a un premier groupe d'arguments, d'une nature que l'on pourrait qualifier d'éthique. Pour certains pays, le respect de la sacralité de la vie ne peut prévaloir sur la protection de la sacralité de l'État, car il garantit non seulement le bien de l'individu, mais celui de la communauté tout entière.

Se plier à la logique illégale d'une demande de rançon viole ce caractère sacré, va à l'encontre de l'intérêt général et ne peut jamais être justifié. Pour d'autres cependant, la vie constitue un bien suprême qui prévaut sur toute autre valeur puisque c'est dans sa protection que s'incarne la sacralité de l'État ; la logique illégale de la rédemption doit être rejetée, mais cela n'efface pas la valeur première de la vie individuelle.

En coupant les choses à la hache, on peut grossièrement identifier à la première lecture les pays de culture protestante d'origine nord-européenne : États-Unis et Grande-Bretagne in primis ; aux seconds, ceux de tradition catholique latine (mais pas seulement) comme l'Italie ou l'Espagne.

La France étant entre les deux, se situe au milieu, quoique avec une prédominance pour le catholique. Tout cela en théorie : en réalité il arrive souvent que des pays ayant une position formelle intransigeante entament des négociations dont ils nient catégoriquement l'existence, parfois contre l'évidence. En cela, pour une fois, la position d'un pays comme l'Italie apparaît moins ambiguë, qui lorsqu'elle paie, elle le fait sans confirmer, mais sans même nier avec une certitude excessive et contre-productive.

Tolérance du traité
Les comportements décrits sont influencés par des considérations de rentabilité et d'opportunité politique. Bref, il y a kidnapping et kidnapping : lorsque la menace est perçue comme hautement systémique, l'espace de négociation a tendance à se rétrécir.

L'attitude de l'opinion publique dans la mise en place de la barre de la "tolérance de négociation" est très importante : ici les considérations éthiques dont nous avons parlé reprennent le jeu. L'enlèvement et la décapitation de prisonniers britanniques et américains par l'État islamique (EI) autoproclamé a suscité l'indignation et en même temps solidifié l'opinion majoritaire dans le refus de tout compromis : le sacrifice des individus est une horreur qui appelle vengeance, mais elle ne peut déterminer la compromission de la solidité de l'État dans la protection de sa propre intégrité.

Le cas est différent, par exemple, de l'attitude italienne envers les deux volontaires italiens qui sont partis pour la Syrie sans préparation ni couverture adéquates, et ont été enlevés dans des circonstances qui n'ont jamais été pleinement clarifiées. Dans ce cas, aux yeux de l'opinion publique, la nécessité d'obtenir sa libération prime sur toute autre considération : la négociation n'apparaît pas comme une preuve de faiblesse mais comme l'accomplissement d'un canon éthique qui justifie l'action.

La qualité des personnes enlevées est également pertinente. Pour une journaliste importante comme Giuliana Sgrena, un appareil important a été mobilisé - avec les conséquences tragiques que l'on sait. Pour les techniciens enlevés en Libye, l'attention est forcément moindre. Cela peut sembler cynique mais, dans l'évaluation coût-bénéfice, la capacité de mobilisation politique et d'opinion publique n'est pas moins importante que les autres.

Une réponse coordonnée de la communauté internationale est recherchée
Il y a ensuite une sorte de hiérarchisation informelle de la dangerosité de la menace des ravisseurs au regard de l'intérêt national. Comme l'a observé Natalino Ronzitti dans ces pages, la piraterie dite « commerciale » est tellement répandue que les armateurs l'incluent parmi les risques assurables de leur activité : l'intervention directe de l'État n'est pas réclamée et elle est prévue autrement (parfois l'État se met en des situations d'ambiguïté inutile en assumant des tâches qui ne sont pas les siennes.

Si notre Marine n'avait pas décidé de faire embarquer ses soldats sur des navires marchands contre paiement avec des tâches similaires à celles des "entrepreneurs sui generis", nous ne nous retrouverions pas aujourd'hui dans le pétrin de nos marines).

Les actes terroristes perpétrés dans le cadre de conflits intra- et inter-étatiques sans caractère mondial – Mali, Nigeria, Libye – prévoient un niveau de réponse à la mesure de l'importance que le pays victime attache à son rôle dans la région : que l'exemple de la fermeté montrée par Paris face aux crises de l'ex-Afrique occidentale française aille pour tous.

Il y a les menaces systémiques mondiales – Al-Qaïda, l'EI, mais aussi Boko Haram – qui exigeraient une réponse coordonnée de la communauté internationale dans son ensemble ; le fait qu'il boitait souvent constitue un puissant incitatif à ces formes de violence et montre une faiblesse qui doit nous amener à réfléchir sur quelles sont les caractéristiques et les limites d'un système de sécurité internationale dans lequel il n'y a pas de centre d'imputation - et de pouvoir – hégémonique et donc unitaire.

Tant que les ravisseurs seront des héros pour certains, et des criminels pour d'autres, un canon commun pour contrer ce qui, par ailleurs, est un important facteur de déviance au droit international sera très difficile.

C'est pourquoi, au-delà des engagements politiques et des déclarations de bonne volonté, un système de pacte définissant des règles et des engagements communs n'a jamais fait la preuve de son efficacité.

L'alternative entre payer ou ne pas payer apparaît difficile pour renvoyer au domaine de la sécurité juridique pour revenir à celui du pragmatisme – sagesse, prudence, cynisme – du politique. Comme toujours quand on entre dans cette dimension, il faut dire que la politique propose la pire des solutions ; sauf pour tous les autres.

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