Partagez

Kafka admire l'énergie de Voltaire

Kafka et Brod ont vu Voltaire's Wake de Jean Huber le 13 octobre 1910 au musée Carnavalet à Paris. Dans ce tableau, une scène domestique du penseur français est dépeinte de manière assez indélicat et grotesque.

Kafka admire l'énergie de Voltaire

Voltaire vient de sauter du lit avec son bonnet de nuit et sa chemise de nuit. D'une main résolue à remonter son pantalon, il tend l'autre dans un geste impérieux vers le scribe pour lui ordonner « écris ! ». Le scribe est déjà à quelques pas, la plume à la main, prêt à transcrire les paroles de Voltaire sur un grand cahier posé sur une table de style Louis XIV. La pleine lumière du jour par la fenêtre signifie que Voltaire ne s'est pas réveillé très tôt le matin. Il aimait dormir. Peut-être que cela a alimenté sa veine créative qui s'est immédiatement libérée en se levant.

Jean Huber, Le réveil de Voltaire, Musée Carnavalet, Paris

Voltaire a les yeux pétillants, les traits tendus, il apparaît tonique, exubérant, plein d'énergie dès qu'il sort du lit. Dès qu'il enfile sa culotte, il commence immédiatement à dicter au scribe les pensées qui lui ont traversé l'esprit au réveil. Un petit chien semble partager ce rite qui n'est évidemment pas inhabituel.

« Le réveil du philosophe de Ferney », gravure conservée à la Bibliothèque nationale de Paris. Clairement inspiré du portrait de Huber, il existe des variations importantes.

Le juriste et peintre passionné Jean Huber (1721-1786) a dépeint la scène. Huber était l'un des amis genevois de Voltaire. Les nombreux portraits de Voltaire, en partie caricaturés, lui valent la renommée et le surnom de « Huber-Voltaire ». La tsarine Catherine II lui a chargé de peindre tout un cycle de scènes de la vie domestique du philosophe (qui ont ensuite été détruites dans un incendie). Même le tableau vu par Kafka au musée parisien était une œuvre commandée, exécutée par Huber dans différentes variantes : chez certains le chien est présent, chez d'autres non.

Voltaire n'était pas du tout content de ce portrait. Il s'en plaignait publiquement : elle l'avait ridiculisé d'un bout à l'autre de l'Europe. Mais ce n'était pas l'idée de Kafka. En fait, rappelez-vous Brod.

Kafka s'arrêta devant une gravure ancienne représentant un épisode de la vie de Voltaire ; il ne pouvait s'arracher à cette image, et même plus tard il en parlait souvent.
J'ai bien compris ce qui fascinait tant Kafka... dans cette gravure : le feu spirituel, l'extraordinaire vitalité d'une personne choisie, qui s'infuse directement dans l'esprit.

Le pathétique dans la description de Max Brod est un peu trompeur : Kafka admirait non seulement le peuple "élu", mais toute personne qui s'applique de manière productive, avec concentration et présence d'esprit, à un travail défini en toute autonomie, sans se laisser distraire par des ou des perturbations externes.

Un écrivain qui, dès qu'il se levait, et avant même d'enfiler sa culotte, se mettait déjà à dicter quelque chose, exerçait donc une attirance particulière sur Kafka, surtout s'il la comparait aux matinées passées au bureau et à son fragile , veine créative instable, qui l'a souvent abandonné pendant des mois entiers.

Da Stach, Reiner, Ce est Kafka ? : 99 trouve, Adelphi.

Passez en revue