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Gaz, le jeu du découplage se joue sur les infrastructures

par Stefano Venier* et Stefano Verde** – Le rêve d'un gaz moins cher est lié à la renégociation des contrats à long terme et aux terminaux de regazéification, carrefours par lesquels passe l'émancipation des pays consommateurs. Ne plus dépendre des rigidités des pipelines et de la volatilité des pays qui font de la politique la main sur les robinets des pipelines

Gaz, le jeu du découplage se joue sur les infrastructures

Le premier rapport annuel du « collège Bortoni » a été présenté en juillet dernier et des pistes de réflexion importantes pour les opérateurs du secteur gazier ont émergé des propos du nouveau président de l'Autorité. L'accent a été mis sur les investissements nécessaires pour transformer l'Italie en un pôle communautaire important, afin de permettre au pays de jouer un rôle de premier plan dans un secteur en profonde évolution.

Andrea Gilardoni et Marco Carta ont déjà examiné, dans ce même magazine, l'évolution qu'a connue et connaîtra le marché du méthane, proposant un examen des principaux facteurs structurels et économiques qui caractériseront le nouveau scénario gazier mondial (gaz non conventionnels, plans de développement, politiques européennes).

Liée à ces perspectives se pose une question qui pourrait avoir un impact significatif sur les stratégies des opérateurs européens et, last but not least, également sur les factures des consommateurs : la faisabilité et le calendrier d'un découplage ou d'un découplage entre le prix du pétrole et le prix du gaz.

Depuis les années XNUMX, les prix du gaz importé sont liés à ceux du pétrole par des formules d'indexation appropriées, du fait de la substituabilité des usages finaux entre les deux principales sources d'énergie, et faisant de fait dépendre les prix du méthane des conditions de marché du brut.

En Europe, la question du découplage s'est imposée avec force avec la crise économique de 2009 et l'important excédent d'offre, également déterminé par le développement des gaz non conventionnels, qui s'est produit sur les marchés mondiaux et européens, lorsque les prix spot des gaz britannique et américain le prix du gaz a atteint la moitié du prix du gaz indexé sur le pétrole brut, avec des effets significatifs sur les flux d'approvisionnement mondiaux.

Cet écart important entre les prix spot et les prix indexés a poussé les grands opérateurs gaziers du marché européen à demander la renégociation des contrats d'approvisionnement à long terme avec leurs partenaires, dans le but d'adapter les mécanismes de prix aux nouvelles conditions et de gagner plus de flexibilité dans contrats à prendre ou à payer. De longs mois de négociation sont consommés entre importateurs et producteurs sur le différent point de vue : l'accord entre Edison et Gazprom vient à peine, qui a nécessité deux ans de discussion, mais d'autres pourraient suivre, dans un imaginable processus d'ajustement progressif.

Compte tenu des conditions actuelles de l'économie mondiale et des marchés du pétrole et du gaz, les pays consommateurs sont parmi les bénéficiaires d'un découplage progressif, puisque dans un scénario caractérisé par une offre excédentaire également dans les années à venir, le prix du gaz devrait baisser s'il était détaché de celui du pétrole brut. De même, les coûts des importations de gaz naturel diminueraient avec un impact positif sur la balance commerciale des pays européens et sur leurs factures énergétiques.

Symétriquement, les producteurs ont intérêt à défendre des prix indexés sur le pétrole brut, aussi parce que ceux qui opèrent dans l'exploration gazière et pétrolière préfèrent que les revenus de la vente de gaz et de pétrole dépendent de la même variable (c'est-à-dire le prix du pétrole brut), de sorte que optimiser les investissements et l'exploitation des gisements.

Ce seront donc encore les pays consommateurs qui devront faire pression pour surmonter le système d'indexation qui prévaut aujourd'hui et renégocier les accords à long terme déjà en place ou modifier la structure des nouveaux contrats, conscients des implications potentielles qui pourraient en découler . En fait, ils ne pourront réussir que si une première condition est vérifiée : le marché reste "long" (c'est-à-dire avec une offre abondante) et liquide également dans les années à venir, afin de leur garantir un plus grand pouvoir de négociation.

Un deuxième facteur, d'ailleurs lié à l'hypothèse qui vient d'être évoquée, pour la réussite du découplage entre gaz et pétrole brut réside dans la thématique des infrastructures. Le transport par gazoduc impose des rigidités évidentes inhérentes aux bassins géographiques depuis/vers lesquels le gaz peut être acheminé, et à cet égard la seule option est représentée par la diversification. Au contraire, avec le gaz naturel liquéfié (GNL), chaque producteur peut desservir n'importe quel consommateur équipé de terminaux de regazéification de méthane, ouvrant ainsi le marché à de nouvelles routes commerciales même entre des bassins de production et de consommation très éloignés.

L'accès à de nouveaux bassins d'approvisionnement et le dépassement des goulots d'étranglement qui caractérisent le secteur du GNL sont cruciaux pour pouvoir voir une concurrence effective (même si elle n'est que potentielle) sur le marché mondial du gaz, de manière à équilibrer l'offre et la demande et à pousser les contrats à long terme vers une formule qui les libère (au moins partiellement) du pétrole brut.

Cependant, la voie vers le découplage ne peut ignorer les facteurs géopolitiques, non seulement en raison des effets directs qu'ils ont sur la demande et l'offre de méthane, mais aussi pour tenir compte des équilibres économiques délicats de certains pays producteurs du bassin méditerranéen et pas seulement : en Algérie, la baisse récente des prix du gaz a conduit à un déficit budgétaire pour la première fois de la dernière décennie, dans un contexte de forte pression interne pour une nouvelle phase de développement.

Par ailleurs, évanouie l'hypothèse de la naissance d'une « OPEP du gaz » regroupant les grands producteurs mondiaux - et donc aussi les Etats-Unis dans leur nouveau rôle d'exportateur net - il ne peut être exclu que dans cette phase transitoire les pays desservant un même bassin de consommateurs ne parviennent pas à aligner leurs intérêts et entravent ainsi le processus de découplage.

A l'inverse, maintenant que les Etats-Unis sont autosuffisants - grâce à l'exploitation du gaz non conventionnel - et ne partagent plus les mêmes intérêts que les pays européens, des demandes commencent à affluer en Europe pour une collaboration plus étroite avec la Chine, en tant que grand concurrent pour le gaz Russe, pour que les deux grands bassins de consommation puissent s'adresser à leurs interlocuteurs avec des stratégies communes et des positions convergentes.

De ce qui précède, il ressort à quel point il est difficile de prédire si et quand le découplage des prix entre le gaz et le pétrole brut gagnera de l'espace en Europe. Certains éléments suggèrent que le moment est désormais venu, d'autres facteurs éloignent plutôt ce moment et parmi ceux-ci la sortie progressive du nucléaire en Allemagne, les tensions en Afrique du Nord, le Japon post-Fukushima qui nécessite de plus grands volumes de gaz, pour une croissance attendue de 11 milliards de mètres cubes par an.

Mais à y regarder de plus près, ce seront les investissements en infrastructures réalisés dans cette phase d'incertitude qui feront pencher ou non la balance en faveur du découplage. En effet, l'adéquation entre producteurs et consommateurs se jouera sur un horizon temporel lié à la réalisation des investissements nécessaires, qu'il s'agisse de nouveaux terminaux de regazéification/liquéfaction de GNL, de nouvelles capacités de stockage, de nouveaux gazoducs, ou encore de nouveaux bassins de développement de gaz non conventionnel.

L'"appel à investir" de l'Autorité intervient donc à un moment résolument opportun en termes stratégiques, certainement pas si favorable d'un point de vue économico-financier. La tendance cyclique naturelle des investissements dans le secteur, plus marquée que dans d'autres industries, suggère que dans cette phase "longue" de marché, de nouveaux projets pourraient être reportés, alors que les inquiétudes quant à l'état de santé de l'économie des pays périphériques de la zone euro les n'incitent certainement pas les opérateurs à entreprendre de nouvelles initiatives avec un coût en capital initial élevé et un risque élevé.

L'issue et le calendrier du processus de découplage sont incertains, mais il convient que les opérateurs et les institutions du secteur commencent dès maintenant à réfléchir à certaines questions, notamment : quelle partie des volumes d'un contrat à long terme pourrait être liée aux prix au comptant du gaz sans que les plans d'investissement amont des producteurs soient drastiquement revus à la baisse ? Serait-il vraiment possible et durable de parvenir à un découplage total en Europe ? Enfin, comment le rôle des opérateurs européens actifs dans le midstream évoluerait-il dans ce contexte ? Et comment le rôle des différents acteurs doit-il évoluer au sein de la matrice des risques des nouvelles infrastructures ?

Trouver les réponses à ces questions, et probablement à bien d'autres dans les plus brefs délais, est une condition nécessaire pour planifier une voie possible pour les marchés, pour mieux évaluer le rôle que les opérateurs européens auront sur la scène du marché du gaz et pour trouver une solution européenne qui peuvent répondre aux mouvements des producteurs. Développer, en substance, une partie de la politique énergétique.

* Directeur Général du Développement et du Marché de Hera Trading
** Responsable Power Trading chez Hera Trading

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