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D'Allegri à Mourinho, la révolution du banc dans les bulletins de Beccantini

ENTRETIEN AVEC ROBERTO BECCANTINI, maître du journalisme sportif - "Les entraîneurs sont importants mais autant qu'ils se vantent" - Ce qui va changer avec le retour d'Allegri à la Juve et avec l'arrivée de Simone Inzaghi à l'Inter, Mourinho à la Roma et Spalletti à Naples - La surprise d'Ancelotti au Real - "Comme l'entraîneur Mancini excite"

D'Allegri à Mourinho, la révolution du banc dans les bulletins de Beccantini

Le marché des bancs. En attendant que les joueurs commencent à bouger, les coachs sont les grands protagonistes de ce début d'été. En fait, il n'y a jamais eu un tel mouvement entre les guides techniques, d'ailleurs en si peu de temps et la beauté est que la valse n'est pas encore terminée. en Italie mais pas seulement comme en témoigne le retour de Carlo Ancelotti sur le banc du Real Madrid. Le thème, en attendant les dernières pièces pour compléter le domino, mérite d'être exploré avec une figure d'autorité comme Robert Beccantini, maître du journalisme sportif qui, en plus de 50 ans de carrière (au cours desquels, entre autres, il a été juré italien du Ballon d'Or), en a vraiment vu de toutes les couleurs, mais jamais un tel tourbillon de bancs.

Dites la vérité : une révolution de ce type ne s'y attendait pas...

« Non, du moins en des termes aussi radicaux. Les entraîneurs sont importants, mais pas tant et autant qu'ils s'en vantent. Surtout en Italie. Il était une fois des bougies allumées au chiffre dix. Aujourd'hui, en temps de pandémie, ils sont dédiés aux techniciens. Le destinataire change, pas le message : nécessité absolue d'un deus ex machina qui, le cas échéant, puisse faire office de bouc, et de "patron" expiatoire.  

Pourtant, les entraîneurs comptent un peu : il suffit de voir comment Chelsea est passé de Lampard à Tuchel…

"Par charité. Ils comptent. Attention cependant : bravo à Tuchel, même si Lampard n'avait pas vraiment laissé de décombres ; mais alors que dire de Pochettino – je parle d'un entraîneur vénéré par les chaires les plus pointues – qui débarque à Paris et « parvient » à ne pas remporter le championnat ? Et peut-on parler de Guardiola ? Sans Messi, Allegri – oui, le buteur vilipendé Max – le bat deux finales de Ligue des champions contre une. Sans parler de Conte, et de ce que nous lui avons écrit et de ce qu'ils lui ont dit – les supporters de l'Inter, pas les rivaux – après le fiasco européen de décembre. Sans préjudice des hiérarchies, je proposerais un peu plus d'équilibre ».  

Ici, partons de l'Inter, qui passe du "serial winner" Conte à Simone Inzaghi. Qu'attendez-vous?

« La route est goudronnée. Simone, d'ailleurs, pratique le 3-5-2 sur lequel Antonio avait refondé le château. Je trouve suggestif, et plausible, de placer les deux relais, Conte-Allegri et Conte-Inzaghi côte à côte. La différence, c'est l'entreprise. La Juventus d'Exor était solide, l'Inter de Suning est fauché. Donc : mon Piave implique six joueurs, Lukaku, Lau-Toro Martinez, Brozovic, Barella, De Vrij et Bastoni. Tous les autres négociables. Dans ces conditions, en attendant de peser un championnat qui s'annonce très "horizontal", très démocratique, sans tyran capable de l'asservir, l'effectif de l'Inter resterait compétitif. Sans préjudice pour Hakimi : il partira, petite consolation, pour des besoins budgétaires, et non par myopie managériale comme Roberto Carlos".

La Juventus, en revanche, après le pari Pirlo, est de retour pour parier sur les voitures d'occasion sûres d'Allegri.

«Allegri est un grand professeur d'un certain football. D'un football qui a toujours payé en Italie, et moins en Europe : même si deux finales de Ligue des Champions, perdues contre une équipe de Martiens (le Barcelone de Messi, Iniesta, Xavi, Neymar) et l'équipe d'un Martien (le Real de Cristiano), ils ne doivent pas être jetés à la rivière. Son retour signifie une défaite écrasante de l'Idée. Dès que la Juventus essaie de sortir de son âme, il reçoit de gros coups sur les dents. Boucliers et tasses de côté. Le 4-2-4 d'Amaral, le "mouvement" d'Heriberto, le football au champagne de Maifredi, Sarrismo, la garde liquide de Pirlo. Il faut de la patience, si et quand vous décidez de renverser même "votre" histoire, et pas simplement l'actualité». 

Milan et l'Atalanta sont les seuls, parmi les dix premiers du classement, à ne rien changer : cela pourrait-il être un avantage ?

"Je le pense vraiment. En attendant de mesurer l'effectif que Pioli et Gasperini vont retrouver ».

Napoli a choisi Spalletti : comment voyez-vous ce "mariage" avec De Laurentiis ?

«Tout comme j'aurais confirmé d'abord Sarri puis Pirlo, j'aurais gardé Gattuso. Cela dit, Luciano Spalletti est un bon entraîneur qui, dixit Handanovic, a préparé la bouillie de Conte. On dit qu'il a mauvais caractère. Et puis : mieux vaut en avoir un mauvais que de ne pas en avoir du tout. Naples est une place compliquée, très exigeante, très saule pleureur. Le personnel n'est pas mal, mais Spalletti ne marche pas non plus : attention. Il faut un De Laurentiis qui ne fabrique pas de munitions ».

Il y a aussi une grande curiosité pour Mourinho à Rome : l'Italie retrouvera-t-elle le Special One ou la version plus fanée (et décidément inefficace) de Tottenham ?

« La Serie A est moins compétitive que la Premier League : beaucoup moins. Mou est un coach à deux visages : il forme l'entreprise, s'occupe de la presse. Du genre, si l'on exclut le timbre esthétique, le meilleur pour le détachement. Les Italiens ont besoin de personnalités à qui se confier comme on fait confiance à papa et maman. José tombe à plat. Trouvez Zaniolo, trouvez une Rome que Fonseca a laissée à la septième place. Difficile de faire pire. S'il arrivait "seulement" dans la zone Ligue des champions, ce serait déjà un triomphe».

Dans quelques jours ce sera l'heure des Championnats d'Europe, on ne peut donc conclure l'interview qu'en parlant du coach Mancini et de son Italie…

«Je suis honnête: Mancini en tant qu'entraîneur de club ne m'a jamais impressionné. Entraîneur de Mancini, oui : souvent. C'est une équipe nationale sans totem, elle croit en ce qu'elle fait parce qu'elle prend plaisir à le faire et parce qu'elle croit aveuglément en celui qui l'a commandé. Il y a deux problèmes : trop de matelas plaqués et défaits, un détail qui pourrait gonfler l'ego du groupe ; la pression croissante. Favori, France. Puis la Belgique, l'Espagne, l'Allemagne, l'Italie, l'Angleterre et le Portugal, tous plus ou moins au même niveau. Je suis très curieux et modérément confiant.

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