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Chagall, Paris-New York : sa longue histoire dans une exposition immersive à l'Atelier des Lumières à Paris

L'Atelier des Lumières vous présente sa programmation pour l'été 2023.
L'exposition « Chagall, Paris–New York » se poursuit pendant les vacances d'été.

Chagall, Paris-New York : sa longue histoire dans une exposition immersive à l'Atelier des Lumières à Paris

Lors de cette exposition immersive (Atelier des Lumières ouvert jusqu'au 7 janvier 2024) tous les thèmes qui composent l'imaginaire de Chagall habiteront l'Atelier des Lumières, comme des coupures entrelacées. Elles seront ponctuées d'extraits de musique classique, klezmer ou jazz, qui font également partie intégrante de son univers culturel. Son bestiaire fantastique, ainsi que le merveilleux personnages de cirque, des contes de fées ou opéra, mais aussi épisodes bibliques et des références à culture russe, traduisent poétiquement la riche expérience personnelle de l'artiste, qui résonne tout naturellement dans celle de son peuple et de sa génération. Témoin des grands événements historiques du XXe siècle, des plus sombres aux plus radieux, Chagall fait ainsi de son art audacieux et imaginatif son premier instrument d'engagement, de paix et d'espoir.

Peintre prolifique et inclassable, Marc Chagall (1887-1985) dans un spectacle numérique présente l'ensemble de sa création, révélant une œuvre ancrée dans son temps, à la croisée des innovations italiennes et culturelles de son siècle et en constant renouvellement.
Paris et New Yorkk, capitales emblématiques de l'art moderne, représentent deux étapes cruciales du long parcours de l'artiste. Paris est sa ville de prédilection, offrant, grâce aux avant-gardes des années XNUMX, un terreau fertile pour des recherches expérimentales au jeune peintre d'origine russe, qui les nourrit de ses propres références culturelles. New York était avant tout un lieu d'exil dans les années XNUMX troublées, qui a néanmoins donné un nouvel élan à la créativité de l'artiste. Après la guerre, plusieurs expositions et d'importantes commandes d'art créeront encore des liens entre Paris et New York et rappelleront Chagall aux États-Unis, jusque dans les années 70. Tout en cherchant sa propre voie stylistique et sans pouvoir se replier sur une école ou un mouvement parmi ceux auxquels il se confronte et s'observe, Chagall a su nourrir son œuvre des expériences les plus diversifiées et les plus actuelles, dans chacune des villes et continents dans lesquels il a vécu. Ainsi, alors qu'à Paris il se confronte aux mouvements cubiste et fauve, expérimente une nouvelle lumière et développe sa palette riche et intense, à Vitebsk il rejoint les instances de l'avant-garde russe, luttant notamment pour le renouveau de l'art de la scène et mobilier urbain. Mais c'est à New York que l'expérience de l'espace et de l'architecture du Nouveau Monde enrichit avantageusement cette exploration inédite. S'étendant bien au-delà de la peinture, elle embrasse désormais la scène de ballet et les costumes, la sculpture, la céramique, le vitrail, la mosaïque, le collage… dans une chose pluridisciplinaire et une résolution monumentale, qui amène également le Visiteur, immergé dans cette création numérique.

Paris, capitale de la modernité

Dans ce premier chapitre, nous nous retrouvons immédiatement à Paris, ville de prédilection de l'artiste, où il arrive en 1911, à l'âge de 24 ans. Comme beaucoup d'artistes russes, et de bien d'autres nationalités, le jeune peintre allie à cette capitale foisonnante de rencontres et d'expérimentations artistiques un charme qui se reflète dans les nombreuses vues de la ville qu'il peint, aux couleurs intenses et lumineuses. Le fauvisme, le cubisme, le futurisme et les autres avant-gardes du tournant du siècle nourrissent rapidement sa façon de concevoir les portraits et les figures de cette période. Installé dans un studio à La Ruche, Chagall n'a pas seulement fréquenté les peintres (Picasso, Delaunay, Gris, Soutine…) et sculpteurs (Laurens, Zadkine, Lipchitz…), mais aussi des poètes comme Cendrars et Apollinaire e directeurs comme Diaghileff. Ainsi, sans toutefois adhérer à aucun des courants artistiques, il participe à ce vaste laboratoire pluridisciplinaire qu'est le Montparnasse des Dizaines, accueillant dans ses toiles toutes les suggestions auxquelles il est réceptif, mais qu'il traduit dans son univers et son style. qui est déjà devenu très personnel.

Entre tradition et avant-garde à Vitebsk

Marc Chagall, La Maison Bleue, 1920, huile sur toile, 66 x 97 cm, musée des Beaux-Arts de la ville de Liège, Belgique, Photo : akg images, © Adagp, Paris 2023

Parti pour un court séjour à Vitebsk, sa ville natale, Chagall est détenu en Russie après la déclaration de guerre de 1914. Les événements historiques renforcent la nécessité de lui témoigner au quotidien et de documenter le plus fidèlement possible les souffrances endurées par tous les citoyens. Ainsi, son pays déploie de nouvelles visions, en résonance avec l'urgence de faire revivre dans son œuvre l'énergie des lieux et des traditions en voie de disparition. C'est au prisme de son expérience parisienne que Chagall revisite la tradition picturale russe, l'art populaire et le « néo-primitivisme », représentant ses proches, les habitants de son village et les lieux de son enfance. Toujours ouvert aux demandes les plus actuelles, il partage certaines préoccupations et projets de l'avant-garde russe, comme la reconnaissance du statut de l'artiste, l'art collaboratif et les projets de décoration urbaine. Quand le constructivisme revendique un art utilitaire au service de la collectivité, Chagall se tourne surtout vers l'art de la scène. Sa collaboration avec le Théâtre juif de Moscou, à partir de 1919, marque sa première expérience de l'art architectural, suivie de la création de sept peintures murales, du rideau et du plafond du Théâtre Kamerny de Moscou.

Contes de fées et cirque

Marc Chagall, Cirque Vollard : L'Acrobate à cheval, vers 1927- 1928, gouache et encre sur papier coloré noir, 62, 9 x 47, 6 cm, collection privée, Photo © Archives Marc et Ida Chagall, Paris, © Adagp, Paris, 2023

Après son retour définitif à Paris en 1923, on retrouve Chagall dans son atelier, peignant sa femme Bella, mariée à Vitebsk en 1915, qui sera le protagoniste incontournable de nombreux tableaux. C'est elle qui lui lut, en français, les Fables de La Fontaine, pour lesquelles Ambroise Vollard commanda une nouvelle édition à Chagall illustrée à l'eau-forte en 1927. Cet ouvrage est l'un des nombreux projets d'illustration de textes littéraires, qui conduisent Chagall à une nouvelle succession d'expérimentations techniques, de la gouache au noir et blanc. Plusieurs séjours en Auvergne lui permettent de saisir, dans ces illustrations, l'essence du paysage rural français.
Le grand nombre de gouaches et d'états préparatoires des gravures témoignent de la construction dans l'élaboration cyclique des formes et des sujets. La fluidité et la spontanéité du trait constituent la signature de l'artiste et c'est toujours avec la gouache et l'estampe que Chagall crée, peu après, un grand nombre d'œuvres dédiées au cirque. Ce thème de la tradition picturale lui offre une parenthèse enchantée avec ses couleurs vives et ses sujets amusants. Chagall joue avec la symbolique dont le cirque est investi pour mieux incarner sa vision personnelle de l'avenir trouble de son peuple et de l'Europe, annoncé par les premières manifestations antisémites.

Temps menaçants

Marc Chagall, La chute de l'ange, 1923-1933-1947, huile sur toile, 147,5 x 188,5 cm, collection privée en dépôt au Kunstmuseum Basel, Bâle, Photo © Archives Marc et Ida Chagall, Paris, © Adagp, Paris, 2023

Soudain, avec La chute de l'ange, un imposant personnage rouge apparaît sur fond noir et annonce la menace de la guerre et la tragédie de l'Holocauste. Constamment vigilant, Chagall a capté les événements dramatiques de son temps et, dans les trois volets du célèbre triptyque Résistance, Libération, Résurrection, où il raconte les souffrances de la persécution, de la destruction et de l'exode, il se présente comme un témoin. Les références à Vitebsk et à son histoire personnelle se mêlent à une expérience collective représentée par la foule de personnages évoquant une communauté humaine plus large. Dans cette séquence à forte charge émotionnelle, on saisit sans équivoque le lien évident établi entre les événements de son temps et les sujets traités par Chagall avec son écriture picturale d'une grande puissance.
Les sujets bibliques (Ancien et Nouveau Testaments) ressurgissent avec urgence, lorsque l'artiste déclare qu'il « doit se servir des prophètes » – en ces temps non prophétiques – dans un but véritablement politique. L'utilisation dramatique de la couleur, ainsi que du noir et blanc, donne toute sa force à ces représentations d'événements tragiques. Mais au-delà de la dénonciation, les couleurs vives et fortes de ces peintures témoignent à la fois du désir d'avertir et d'alerter ainsi que du besoin de croire à l'espoir et à la vie.

Découvrir New-York

Le contexte politique, avec la mise en place de lois antisémites en France et la dénaturalisation prononcée par Pétain, contraint Chagall en exil à la fin des années 1940. En 1941, il s'installe avec sa femme à New York, comme plusieurs artistes et artistes russes et juifs. poètes qui s'intègrent dans une communauté artistique et littéraire dynamique. Venu de Paris, New York, avec ses gratte-ciel et ses larges avenues, est une métropole impressionnante, voire vertigineuse pour l'artiste russe habitué des espaces européens. Mais, une fois de plus, Chagall se redresse face aux nouvelles opportunités du Nouveau Monde. La fascination pour la ville et son architecture renouvelle sa conception et sa vision de l'espace, telles qu'il les avait autrement vécues à Vitebsk. Suivant le nouveau rythme new-yorkais, Chagall renoue avec le monde du théâtre et de la musique. Dans les décors de ballet et les costumes qu'il réalise à cette époque, l'artiste s'affranchit de toute contrainte, tandis que la couleur se déploie désormais comme un élément architectural. Ses recherches ne négligent pas les expressions populaires qui l'accompagnent depuis sa jeunesse. C'est ainsi qu'il s'intéresse à l'art et à l'artisanat populaires du Mexique., découverte grâce à un séjour de travail dans ce pays, en résonance avec une imagerie russe traditionnelle, mise à disposition, à New York, par l'importante communauté immigrée de son pays.

Le retour en France et les nouveaux départs

En 1948, enfin, Chagall peut imaginer un retour en Europe. Après la guerre, il retrouve une nouvelle sérénité dans sa "seconde patrie", la France, où une nouvelle génération d'artistes forme maintenant ce qu'on appelle le "nouvelle Ecole de Paris”. Riche de sa vaste expérience new-yorkaise et mexicaine, toujours en phase avec son temps et désireux de surprendre les attentes du public européen, Chagall se lance dans une nouvelle étape artistique tournée vers l'expérimentation. Il est alors initié à de nouvelles techniques et matériaux, comme l'aquarelle, la céramique, la pierre, le marbre, le plâtre et le bronze, qui lui offrent des moyens d'expression encore inexplorés, tout en alimentant les recherches du peintre sur la matière et la couleur, les épaisseurs et les transparences. , ainsi que sur les relations lumineuses offertes par les reliefs et les volumes. L'exploration du noir et blanc, dans ces différentes techniques, lui permet de réinventer les couleurs plus vives et profondes qui caractérisent la maturité de son travail.
De ce grand laboratoire pluridisciplinaire, marqué par l'amélioration et le renouvellement constant de la couleur, élément premier de son art, mais aussi par une réflexion profonde et prolongée sur les valeurs spatiales et architecturales de la peinture.

Peinture de la lumière et de la matière

A l'instar de la création de grands panneaux muraux peints ou en céramique, l'exploration de la mosaïque, depuis 1955, et du verre, depuis 1958, enrichit grandement la vision monumentale de l'artiste. Ces techniques lui permettent de revisiter et de renouveler le traitement de la matière et de la lumière dans son œuvre : les gammes translucides et les monochromes aériens des vitraux l'animent de mille transparences, tandis que les tesselles des mosaïques correspondent à une gamme de couleurs qu'il est déjà une matière lumineuse, dont l'artiste a la plus grande liberté, grâce à sa profonde connaissance de son rendu spatial.
L'expérimentation est également présente dans les cycles de collage. Ces surprenantes compositions de papier et de tissu sont utilisées par l'artiste comme esquisses préparatoires à des compositions monumentales, où s'articulent formes géométriques et couleurs vives – du jaune soleil au bleu indigo, du rose magenta au vert absinthe. Cette approche ludique et sensorielle hérite certainement de la sculpture et de la céramique, notamment lorsque l'artiste introduit du sable, de la sciure ou des végétaux sur le support, révélant une matière plastique vibrante et organique. Une fois de plus la couleur émerge dans des formes libres et effervescentes qui semblent rejeter les limites spatiales imposées par la toile.

Marc Chagall, Le Cantique des Cantiques IV, 1958, huile sur papier marouflé sur toile, 144,5 x 210,5 cm, musée national Marc Chagall, Nice, Dépôt du Centre Pompidou, France, Photo © RMN-Grand Palais (musée Marc Chagall) / Adrien Didierjean, © Adagp, Paris, 2023

Le message biblique

Le parcours de l'exposition immersive s'achève sur les 17 compositions monumentales qui ornent les grilles du musée national Marc Chagall à Nice, à savoir la série Message biblique. Réalisées dans les années 50 et 60, ces peintures évoquent des scènes de la Genèse et de l'Exode, ainsi que le Cantique des Cantiques. Les gros plans sur la matière picturale permettent de s'immerger dans plusieurs décennies d'expérimentation de toutes les techniques et de tous les supports, qui à leur tour ont nourri la peinture, première technique adoptée par Chagall. Elle se transforme et s'enrichit grâce à l'étude du noir et blanc et des nuances de gris rendue possible par la pratique de l'estampe et de l'aquarelle, les transparences et reflets des vitraux et mosaïques monumentales et travaille toujours sur les épaisseurs, reliefs et matières proposées de la sculpture et de la céramique. Dans ces représentations de scènes bibliques, on apprécie aussi, une fois de plus, la richesse des sources de cet artiste cosmopolite, toujours attentif à l'art de son temps, qui a su concilier des suggestions très différentes de l'art ancien, moderne et contemporain, des expressions traditionnelles et populaires, dans une œuvre captivant et unique en son genre.

Marc Chagall à New York, 1941, Photo © Archives Marc et Ida Chagall, Paris

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