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GRÈCE ET EUROPE - Les bilans de l'accord : Athènes 4, Europe et Allemagne 5, Italie 7

Voici les votes sur l'accord de sauvetage de la Grèce - Athènes rejetée : elle paie le manque de fiabilité de Varoufakis et les culbutes de Tsipras et apporte au hasard un résultat qui la sauve du crack mais qui est pire que celui rejeté le 26 juin - Europe et l'Allemagne reportée : ils sauvent Athènes mais ils n'ont jamais eu d'âme - Italie promue : avec Hollande Renzi évité le Grexit

GRÈCE ET EUROPE - Les bilans de l'accord : Athènes 4, Europe et Allemagne 5, Italie 7

Le deuxième week-end de juillet 2015 restera dans les mémoires comme l'un des plus chauds de l'histoire de l'Europe. Et pas seulement pour la chaleur mais pour les chocs et frissons répétés que les négociations épuisantes entre la Grèce et l'Europe ont fait fuir Athènes et le Vieux Continent, n'enlevant l'abîme du Grexit qu'in extremis, de la faillite et de la sortie d'Athènes de l'euro.

"Ce n'était pas gagné d'avance et nous avons vraiment risqué le Grexit deux fois" a-t-il commenté sans triomphe mais avec une pointe de fierté légitime Matteo Renzi. Peut-on faire plus et mieux ? Certes oui, car rétrospectivement on peut toujours faire plus et mieux, en politique comme dans la vie. Mais vous pourriez aussi faire moins ou pire et pour la première fois, le maximalisme des faucons allemands guidés Wolfgang Schaeuble et l'amateurisme des Grecs de Alexis Tsipras ils nous ont permis de constater que le Grexit n'était pas qu'une hypothèse de laboratoire.

Nous avons déjà vu de nombreux temps forts ces derniers jours et il est probable que nous en verrons d'autres en Italie : « Assez de l'humiliation de la Grèce », « Assez de l'Europe sous hégémonie allemande », « Assez de l'Italie dominée par Merkel », « Arrêtez de donner de l'argent à Athènes ». Tout et plus. Il semble déjà entendre les prophètes du pire italien de Grillo à Salvini et de Fassina à Brunetta. Le nôtre, comme nous le savons, est un pays d'entraîneurs disparus de l'équipe nationale de football. Tout le monde est convaincu qu'il est meilleur que ceux qui doivent décider et pour tout le monde le verre est toujours à moitié plein mais la logique de la politique n'est pas celle des discussions entre amis au bar.

Deux éléments de sagesse triviale ne doivent jamais être oubliés : 1) n'ayant que 51% du consensus en main (mais dans ce cas en Europe et pas seulement en Italie) peut-on songer à faire prévaloir entièrement son point de vue (mais lequel ? Pro Grèce ? Pro Allemagne ? Pro Europe ? ); 2) dans une démocratie, la politique est par définition fondée sur le compromis, c'est-à-dire sur un point de rencontre entre des thèses initialement différentes : il s'agit de vérifier la qualité du compromis mais le compromis en tant que tel est le sel de la politique.

Essayons donc d'évaluer l'accord sur la Grèce à la lumière des intérêts des parties concernées et essayons, avec tous les risques et la partialité de l'affaire, d'établir le bulletins scolaires de Grèce, d'Europe et d'Italie.

GRÈCE : vote 4 

Il faut le reconnaître Alexis Tsipras une bonne dose de courage et d'impitoyabilité : d'abord avec le référendum et ensuite avec le oui à l'accord final. Mais la politique n'est pas un jeu de poker et penser à faire chanter ou à déjouer des politiciens de longue date comme Merkel ou Schaeuble lorsqu'il nous présente à la table des négociations avec une soucoupe à la main est soit d'une naïveté enfantine, soit d'un terrible amateurisme. Et les résultats ont été vus. 

Il est probable que l'accord final avec l'Europe n'avait pas et n'a pas d'alternative pour le Grece sinon la faillite et le Grexit, mais il ne fait aucun doute que, somme toute, la proposition que le président Juncker a présentée à Tsipras le 26 juin était énormément plus favorable au peuple grec que celle de l'accord final même s'il y a lieu d'espérer que , quoique in articulo mortis, le Parlement d'Athènes va maintenant l'approuver. A l'époque il n'y avait pas d'ultimatum pour faire les réformes en trois jours, il n'y avait pas de fonds de garantie de 50 milliards et le rôle du Fonds monétaire lui-même apparaissait plus confiné.

Mais le 26 juin, Tsipras - pas Schaeuble et pas Merkel - a étonnamment pensé à tout gâcher en rejetant le plan Juncker et en se réfugiant dans le référendum salvateur, qui aurait eu un tout autre sens s'il avait été annoncé un mois plus tôt et qui, apparaissant plutôt comme un acte de défi aux créanciers (que l'ancien ministre Varoufakis, principal responsable de la défaite grecque, a aimablement qualifié de "terroristes"), il a ébranlé la confiance et crédibilité de la Grèce devant toute l'Europe et pas seulement devant l'Allemagne.

Tsipras paie les promesses lunaires avec lesquelles il a remporté les élections grecques mais, avec toute la compréhension de ce monde, on ne peut pas demander à un continent de 500 millions d'habitants d'endosser les illusions d'une partie des 11 millions de Grecs. L'opinion des électeurs grecs doit-elle être respectée mais pas celle des autres pays européens ?

Malheureusement, alors qu'il voulait enfin rencontrer les interlocuteurs européens pour obtenir l'aide qui, seule, aurait évité la faillite d'Athènes, Tsipras a fait un énième tour de table en présentant lors de la dernière négociation de Bruxelles un nouveau plan plein de bonnes intentions mais de nature à mettre définitivement en péril la confiance en l'Europe à ses égards. Quel est le vrai Tsipras ? Celui qui rejette le généreux plan Juncker ou celui qui présente un plan grec beaucoup plus austère ?

L'issue des négociations avec l'Europe est surtout le fruit des pirouettes et de la gestion amateur du couple Tsipras-Varoufakis et malheureusement le prix en sera payé par le peuple grec qui, en paroles, tout le monde dit vouloir défendre alors même qu'il pensait défendaient le bébé ou les retraites à 60 ans qui n'existent plus nulle part en Europe. Maintenant, l'addition est salée.

EUROPE ET ALLEMAGNE : vote 5

Il est vrai que pour la troisième fois leEuropa sauver la Grèce, mais quand ces derniers mois et ces derniers jours l'Union européenne a-t-elle entrevu un projet d'avenir pour son avenir et surtout une âme ? Il est vrai que de nouveaux prêts ne peuvent être accordés à la légère à la Grèce, qui en a déjà reçu beaucoup et qui sait si elle les remboursera, mais l'Europe ne peut être faite que de rigueur financière et de recherche d'accords techniques avec un salaire minimum. Peut-être, comme le soutient Romano Prodi, était-ce une erreur sensationnelle d'ouvrir les portes de la zone euro à la Grèce, qui manipulait ses budgets, mais la jeter maintenant aurait nui à Athènes mais aussi à toute l'Europe, à la fois financièrement et en termes de politique de crédibilité.

Tout le monde le sait, et le Fonds monétaire l'a rappelé, que la dette publique grecque est insoutenable : tôt ou tard se posera le problème de sa restructuration et mieux vaut en avoir les idées claires. On peut aussi renoncer à une partie de ses crédits plutôt que de recourir à des chiffons chauds, mais il est juste d'exiger d'Athènes des réformes structurelles, qui sont aussi le seul espoir de croissance de la Grèce.

Est-ce la faute de l'Allemagne si l'Europe apparaît sans âme et si incertaine dans sa mission ? Celui qui compte le plus porte certainement la plus grande responsabilité même si les fautes de la Grèce ne doivent pas être oubliées. Berlin a ses raisons de ne pas faire confiance à la Grèce, mais il est triste de se rappeler qu'à des moments cruciaux de l'histoire - de la Première Guerre mondiale au nazisme et à la Seconde Guerre mondiale - l'Allemagne a toujours échoué et l'aurait peut-être fait cette fois aussi si l'Europe les colombes et la Merkel elle-même n'avaient pas mis de côté depuis 5 ans le dangereux projet de Grexit avancé par Schaeuble. Comme l'a si bien dit l'économiste allemand Daniel Gros, directeur du prestigieux Ceps à Bruxelles, "il n'est pas acceptable que le puissant et respecté ministre des Finances allemand demande officiellement le Grexit pour 5 ans : c'est une provocation". Et que dire de sa querelle avec un homme de l'équilibre et de la sagesse de Mario Draghi ?  

L'espoir est que l'Europe réfléchisse sur elle-même et retrouve enfin le chemin du retour, sous le signe de la solidarité et du développement : non seulement sur la Grèce mais sur les migrants, sur la Méditerranée et sur bien d'autres sujets, notamment la gouvernance, sachant que soit l'Europe trouve l'aile dans le sens de l'union politique et d'une nouvelle relation avec ses peuples ou elle sera inévitablement confrontée à son propre déclin.

ITALIE : voix 7

Levez la main si vous ne vous êtes pas senti agacé ces derniers jours quand il semblait que le sort de l'Europe et de la Grèce dépendait de la direction Merkel-Hollande. Certains disent que Renzi il devrait avoir plus de courage et de combat, avoué et non accordé que c'est facile, pour entrer dans la direction. Mais il y a aussi ceux qui soutiennent que ce serait un effort inutile car les temps ont changé et le répertoire est déjà mort. La vérité se situe probablement quelque part entre les deux. Ce qui est certain, c'est que le premier ministre italien a d'abord opté pour l'attentisme, mais qu'il a finalement ramené des résultats favorables à la Grèce mais surtout à l'Europe et à l'Italie.

Sans triomphalisme mais avec fierté, comme il l'a dit lui-même à l'issue des négociations sur la Grèce, Renzi a affirmé avoir contribué - avec le président français Hollande - à avoir convaincu Merkel et les autres partenaires européens de fermer le Projet Schaeuble du Grexit depuis 5 ans et qu'il les a aussi amenés à accepter de déplacer le siège du Fonds de garantie de Luxembourg à Athènes. De cette façon Renzi a prêté main forte à la Grèce mais il l'a donné surtout à l'Europe qui, autrement, aurait fait face à une crise sans précédent, mais surtout il l'a donné à l'Italie, qui aurait inévitablement subi la contagion de la fissure à Athènes.

Comme vous pouvez le voir, peu importe qui crie le plus mais qui sait le faire au bon moment et qui ramène des résultats à la maison. Le reste, ce sont des trucs de bar sportif.

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