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Euro fort, quel rébus : voici ce qu'il y a derrière

FOCUS BNL – Quelles que soient les politiques monétaires, l'euro a gagné 13% face au dollar en 9 mois, grâce surtout à une croissance supérieure aux attentes en zone euro – Mais la force de la monnaie pèse sur les prix et les exportations : l'Union économique doit être achevée pour stimuler l'investissement et la demande intérieure

Euro fort, quel rébus : voici ce qu'il y a derrière

Le taux de change de l'euro est tout un casse-tête. Au début de l'année, prévoir la relation euro-dollar semblait facile. Il était supposé que la Réserve fédérale augmenterait ses taux directeurs tandis que ceux de la BCE resteraient inchangés. Avec des taux courts plus élevés pour les Américains, l'euro aurait dû s'affaiblir. En effet, l'écart entre les taux directeurs de la politique monétaire s'est creusé de cinquante cents en faveur des Américains, mais le taux de change de la monnaie unique européenne est allé exactement dans le sens inverse de ce qui était attendu.

De fin 2016 au lendemain des élections allemandes du 25 septembre dernier l'euro a gagné environ 13 % contre le dollar des États-Unis et plus de 5 pour cent par rapport à l'ensemble des dix-neuf monnaies relatives aux principaux partenaires commerciaux de l'Union monétaire. À l'heure actuelle le taux de change de l'euro ne semble donc pas dépendre de l'évolution relative des politiques monétaires de part et d'autre de l'Atlantique.

Bon à savoir, étant donné qu'à l'horizon des prochains trimestres, les taux américains poursuivent leur trajectoire ascendante progressive associée au retour du soi-disant " Quantitative Easing ", alors que des délais résolument plus longs s'annoncent pour toute hausse des taux de référence en L'Europe . L'écart entre les taux à court terme va encore se creuser, mais cela ne suffira peut-être pas à donner à l'euro un revers majeur.

La force de la monnaie européenne doit être justifiée par d'autres facteurs. Premièrement, comme indiqué dans le dernier Bulletin économique de la BCE, il y a amélioration des perspectives de croissance dans la zone euro. Au deuxième trimestre de cette année, le taux de croissance tendanciel du PIB de la zone euro a égalé le taux de croissance annuel des États-Unis, s'établissant à un peu plus de deux points de pourcentage. Ce n'est pas un accident conjoncturel, mais le fruit d'une longue marche qui dure depuis dix-sept trimestres. C'est aussi le résultat d'un modèle de relance européen certainement plus sobre que le modèle américain, du moins en termes de recours aux « dépenses déficitaires ».

Derrière la force relative de l'euro se cache une croissance qui s'améliore avec peu d'endettement supplémentaire. Il y a aussi le reflet de la soi-disant « pénurie d'actifs sûrs », de la raréfaction des actifs financiers peu risqués qui conditionne de plus en plus l'équilibre économique et financier mondial. Dans un monde où les populations vieillissent, les dettes continuent de croître et les nouvelles réglementations financières poussent dans le sens de normes de stabilité plus élevées, la demande d'actifs sûrs tend systématiquement à dépasser l'offre.

C'est ce que Ricardo Caballero, un éminent universitaire du Massachusetts Institute of Technology, et d'autres chercheurs ont récemment défini comme "le piège de la sécurité". Là piège de sécurité c'est un élément structurel puissant qui d'une part fait baisser les rendements des actifs financiers réputés sûrs et d'autre part détermine l'appréciation des devises des pays et zones qui émettent ces actifs.

L'euro s'apprécie parce que la zone à monnaie unique est considérée comme un refuge moins endetté et relativement plus sûr pour les investissements financiers mondiaux. A l'appui de cette hypothèse on pourrait citer les données récentes de la Banque des Règlements Internationaux qui, au premier trimestre de cette année, situent les dettes globales des Américains à plus de 47 31 milliards de dollars contre "seulement" XNUMX XNUMX milliards de dollars de dettes pour le total ménages, entreprises et administrations publiques de la zone euro.

Fille d'une croissance économique retrouvée et d'une préférence mondiale pour la sécurité, la force de l'euro risque de passer d'une vertu à un vice, pour devenir un piège dangereux à partir d'un simple puzzle. Un euro trop fort évite le retour de l'inflation à des niveaux conformes aux objectifs à moyen terme des autorités monétaires. Si elle n'est pas contrebalancée par des améliorations majeures de la productivité, une appréciation excessive du taux de change cela nuit à la compétitivité de nos exportations.

Ce qu'il faut faire? Pour rééquilibrer les taux de change de la monnaie unique, il n'y a pas besoin de corrections conjoncturelles de type monétaire. Au lieu de cela, il en faudrait un changement structurel en vue de l'achèvement de l'Union économique et monétaire. Paradoxalement, elle contribuerait à modérer la force de l'euro et à défendre la compétitivité des exportations européennes une injection importante de la demande intérieure, nuancée et tournée vers l'avenir, visant à accroître le potentiel de développement de la zone monétaire par un plan d'investissement dans les infrastructures communes.

Un plan capable de corriger l'excès de dépendance aux exportations du modèle de croissance européen testé jusqu'ici. Un plan à financer et à réaliser avec des ressources communes et partagées, dans le cadre d'un projet de création d'une capacité budgétaire centrale dans la zone euro. Un euro trop fort est le symptôme d'une Europe faible car il est l'expression d'une union économique et monétaire encore incomplète. Il nous appartient d'en prendre acte afin d'y trouver un remède durable. Même après le résultat des élections allemandes.

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