Le système bancaire semble être de retour dans la tempête sur tous les principaux marchés. Les craintes d'une nouvelle récession économique pèsent lourdement, ce qui paraissait encore improbable hier, mais qui en Europe pourrait provenir d'une nouvelle crise du crédit. La faible rentabilité de beaucoup de grandes banques pèse avant tout : la baisse des taux longs, provoquée par les politiques expansionnistes de la Banque centrale européenne, comprime la marge bénéficiaire. La situation est aggravée par les taux d'intérêt négatifs sur les dépôts bancaires à la Banque centrale européenne, que les banques n'osent pas répercuter sur les déposants de peur de les faire fuir. La faible rentabilité alimente la crainte de nouvelles augmentations de capital, étant donné que les niveaux actuels de fonds propres de certaines grandes banques semblent à peine suffisants pour répondre aux exigences prudentielles, alors que la masse des prêts non performants ne diminue pas et que l'on craint des pertes sur des positions importantes en instruments dérivés.
C'est dans ce contexte qu'entrent en vigueur les nouvelles règles sur les aides d'État aux banques (à partir de l'été 2013) et sur la résolution des défaillances bancaires (à partir du 1er janvier 2016), qui imposent que, si une banque a besoin d'un soutien de l'État, l'aide ne peut être accordée sans annulation préalable de la valeur des actions, de la dette subordonnée et d'autres dettes de la banque s'élevant à au moins 8 % du passif total de la banque (bail in). Cette nouvelle règle a été appliquée, à partir de l'été 2013, non seulement aux titres nouvellement émis, mais également aux titres déjà en circulation : pour ces derniers, donc, les nouvelles lignes directrices sur les aides d'État et la directive européenne sur la résolution bancaire ont modifié le les caractéristiques de risque des titres bancaires par rapport à celles que les épargnants et les investisseurs connaissaient au moment de l'investissement. Une décision véritablement discutable, qui pèse désormais sur la performance des marchés financiers.
Le choc a été particulièrement aigu en Italie, où en novembre dernier, la Banque d'Italie a mis en "résolution" quatre petites banques locales, qui ne représentaient ensemble que 1% du total des dépôts bancaires. Toutes les actions et obligations junior de ces banques ont été annulées, infligeant des pertes importantes à nombre de petits épargnants qui les ont souvent achetées sur les conseils de leur banque. L'impact sur le marché a été très fort, car dans la phase la plus aiguë de la crise financière, de nombreuses banques italiennes avaient émis des obligations juniors pour se recapitaliser. Même si ces banques étaient pour la plupart solides, les épargnants ont eu peur et ont commencé à vendre ces titres. Dans certains cas, les déposants se sont précipités pour retirer leurs dépôts. Progressivement, dans un contexte de tensions financières internationales croissantes, le choc s'est propagé hors du marché italien, investissant de grandes banques telles que Deutsche Bank, Commerzbank, Credit Suisse, Standard Chartered et Barclays et déclenchant un phénomène de contagion dans lequel tout le monde s'est effondré sur les valeurs bancaires.
Il me semble qu'il ne fait aucun doute que nous assistons à un choc systémique, dans lequel une fois de plus – comme cela s'est déjà produit en 2010-12 pour les titres de dette souveraine de la zone euro – une grave erreur des politiques européennes a déstabilisé les marchés financiers. Comme alors, les marchés ne s'apaiseront pas d'eux-mêmes, au contraire il y a un risque que l'instabilité se propage, au point de mettre en danger l'ensemble du système bancaire. En 2012, le plan de sauvetage est venu de la Banque centrale européenne, qui, avec son nouvel instrument d'intervention illimitée – l'Outright Monetary Transactions Program (OMT) – a stabilisé le marché des obligations souveraines. Aujourd'hui, l'intervention de stabilisation ne peut venir de la Banque centrale européenne, qui achète déjà 60 milliards d'euros d'obligations publiques par mois, sans que cela contribue à stabiliser les marchés bancaires.
Ce qu'il faudrait, c'est une déclaration publique et conjointe des gouvernements européens selon laquelle les engagements des banques sont sûrs; le message serait plus clair si, comme ils l'ont fait en 2008, les gouvernements annonçaient une garantie publique du passif des banques – bien sûr en écartant temporairement les règles des aides d'État et, surtout, en suspendant la règle néfaste du renflouement interne des créanciers privés. Comme en 2008, les banques devraient à nouveau être autorisées à solliciter des garanties de l'État pour la restructuration et la titrisation des prêts non performants immobilisés dans les bilans bancaires - en permettant leur transfert vers une ou plusieurs banques défaillantes du système et en autorisant les aides d'État à recapitaliser les banques qui ne peuvent supporter les pertes relatives en trouvant des capitaux sur le marché.
L'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (traité de Lisbonne) prévoit explicitement que la Commission peut déclarer « compatibles », donc légitimes, les aides d'État nécessaires pour faire face à des événements exceptionnels ou à des perturbations graves des conditions économiques. Le recours à cette disposition a permis en 2008 d'éviter l'effondrement du système bancaire et financier européen. La Commission ferait bien d'abandonner les rigidités idéologiques qui l'ont jusqu'à présent empêchée de voir l'instabilité systémique qui se propage et les graves conséquences qui pourraient résulter de l'application aveugle et insensée du principe de renflouement interne.